Le président américain Donald Trump aurait demandé à la Chambre des représentants de relever le taux d’imposition des plus fortunés. Une proposition surprenante pour un parti historiquement hostile à toute hausse d’impôts.
Contre toute attente, Donald Trump milite pour une hausse du taux marginal d’imposition des plus riches. Selon des informations de l’agence Reuters et du Financial Times, le président américain a exhorté le 8 mai, lors d’un échange téléphonique privé, le président de la Chambre Mike Johnson à faire passer le taux supérieur d’imposition de 37 % à 39,6 % pour les contribuables gagnant plus de 2,5 millions de dollars (ou 5 millions pour les couples). Il aurait également plaidé pour la suppression de la niche fiscale du « carried interest », très utilisée par les investisseurs de Wall Street.
Cette initiative intervient alors que les Républicains finalisent un vaste projet de loi budgétaire, surnommé par Trump son « one big beautiful bill », qui prévoit la prolongation des baisses d’impôts de 2017 et de nouvelles exonérations fiscales pour les classes moyennes — notamment sur les pourboires, les heures supplémentaires ou les retraites. Le vote est attendu avant le 26 mai, Memorial Day aux Etats-Unis.
« Cela contribuera à financer des réductions massives pour les classes moyennes et populaires, tout en protégeant Medicaid », a affirmé à Reuters une source proche de la Maison-Blanche.
Une pression venue de la base MAGA
Cette proposition inattendue reflète aussi une pression grandissante au sein de la base populiste MAGA. Trump a d’ailleurs reconnu dans une interview accordée à Time Magazine en avril qu’il « adorait le concept » d’une hausse ciblée, tout en craignant que cela soit « utilisé contre lui politiquement par les fake news ».
Mais la surprise vient aussi du ralliement potentiel de figures plus classiques du camp républicain à cette idée. The Guardian rapporte que le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le directeur du budget Russell Vought, tous deux issus de la droite conservatrice, se disent ouverts à une telle mesure. Ils rejoindraient ainsi des conseillers plus « populistes économiques » comme JD Vance ou Steve Bannon, qui appellent depuis plusieurs mois à réconcilier le discours pro-classe moyenne avec une fiscalité moins favorable aux ultra-riches.
Une dette explosive comme déclencheur
Le contexte budgétaire explique en grande partie ce virage. Les États-Unis doivent refinancer une part massive de leur dette publique, aujourd’hui estimée à 36.000 milliards de dollars. Comme l’explique The Guardian, l’administration Trump espérait qu’après l’annonce de nouveaux droits de douane, les investisseurs se reporteraient massivement sur les bons du Trésor, faisant ainsi baisser les taux d’intérêt. Mais la stratégie a échoué : les marchés, inquiets de l’inflation et de la volatilité géopolitique, ont délaissé aussi bien les actions que les obligations. Résultat : les taux ont grimpé, rendant le coût de l’endettement insoutenable.
Face à cette impasse, deux options se dessinent : couper dans les dépenses sociales, ou augmenter les recettes en ciblant les plus hauts revenus.
« La réduction des dépenses est la partie la plus difficile de l’équation. C’est révélateur de l’état de mon parti », a reconnu Jodey Arrington, président de la commission budgétaire de la Chambre, dans une déclaration relayée par Reuters.
Un tournant historique pour le Parti républicain ?
Jusqu’ici, les Républicains ont toujours défendu une ligne claire : baisse des impôts, en particulier pour les entreprises et les hauts revenus, quitte à creuser les déficits. Comme le rappelait Dick Cheney en 2003 : « Reagan a prouvé que les déficits ne comptent pas ». Mais aujourd’hui, la réalité budgétaire s’impose.
Si cette hausse devait se concrétiser, elle représenterait une rupture majeure dans l’orthodoxie fiscale du Parti républicain, et une tentative de recomposition stratégique : faire contribuer davantage les plus riches pour maintenir les baisses d’impôts promises à la base électorale plus populaire de Trump.
Mais ce revirement reste fragile. Une partie de la majorité reste farouchement opposée à tout relèvement fiscal, et craint un effet boomerang électoral. Le compromis pourrait consister à fermer certaines niches fiscales, comme l’a récemment évoqué Jason Smith, président de la commission des finances de la Chambre (House Ways and Means Committee), dans une interview également citée par Reuters.
Quoi qu’il en soit, la dynamique qui a longtemps uni les conservateurs autour de la baisse d’impôt semble désormais en fin de course. Reste à voir si Trump parviendra à transformer cette proposition audacieuse en victoire politique.