C’est une décision qui est très attendue : ce vendredi, l’agence de notation financière Fitch va remettre son bulletin sur la solvabilité de la dette française . Et la crainte est grande que Fitch, une des trois grandes agences de notation avec Standard and Poor’s et Moody’s, dégrade la note de la France.
La note financière de la France est actuellement fixée par Fitch à AA-. Mais elle est assortie d’une perspective négative depuis le mois d’octobre dernier.
Éric Dor, le responsable de la recherche auprès de l’école de commerce IESEG management (Paris et Lille) rappelle la position de Fitch : « lors de son appréciation précédente qui avait maintenu la situation inchangée, le 14 mars 2025, Fitch a explicitement décrit les facteurs qui pourraient induire l’agence à dégrader la note de la France. Ces facteurs sont les suivants :
L’absence de budget crédible
L’incapacité à mettre en œuvre un plan crédible d’assainissement budgétaire à moyen terme, par exemple en raison de l’opposition politique ou de pressions sociales, qui permettrait une stabilisation générale de la dette à moyen terme. Et des perspectives de croissance économique nettement moins favorables et compétitivité affaiblie ».
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Avec la perte du vote de confiance du gouvernement Bayrou et la nomination de Sébastien Lecornu comme possible Premier ministre – si ce proche du Président Emmanuel Macron réussi à fédérer assez de forces politiques pour pouvoir prétendre à monter un gouvernement – la fragmentation politique française complique l’adoption d’un budget crédible. « Il faut aussi constater l’absence de tout autre plan d’assainissement de rechange, quelle que soit son orientation idéologique, ayant le soutien d’une majorité au parlement, précise Éric Dor.
Il y a bien un parti d’opposition qui propose un autre budget pour l’année prochaine (le parti socialiste, NDLR) et une autre trajectoire ultérieure, censée aussi, d’après ses promoteurs mais c’est contesté, assainir les finances publiques au prix d’un allongement de l’horizon auquel le déficit descendrait en dessous de 3% du PIB. Mais il y a également une absence de majorité au parlement pour ces propositions ». Fitch devrait donc dégrader la note française sur base de ce constat.
Stagnation et incohérence
Quant à l’autre critère, celui de la croissance économique, il pourrait venir renforcer la décision d’abaisser la note française poursuit encire Éric Dor. Au premier semestre e cette année, la croissance de la France sur base annuelle a été d’un peu moins de 0,7%, mais ce chiffre masque une fragilité : la contribution des stocks (1,1 %), surtout dans l’aéronautique et l’automobile, a masqué ce qui aurait dû être une baisse de 0,43 % du PIB si l’on n’avait pas tenu compte de ce paramètre.
Enfin, un troisième argument pourrait pousser à la dégradation de la note française, c’est l’incohérence. La France, malgré sa note AA-, affiche des performances budgétaires moins bonnes que plusieurs pays moins bien notés par Fitch. Les obligations françaises à 10 ans offrent un rendement de 3,5 % environ, supérieur à celui de pays moins bien notés comme le Portugal, l’Espagne ou même la Grèce. Les marchés perçoivent un risque plus élevé pour la France que ne le reflète sa note actuelle.
Un impact non négligeable
Il y a certes des éléments qui pourraient plaider encore en faveur d’un maintien du « double A » français, rappelle Éric Dor : c’est la diversification de son économie, la solidité de son système bancaire, l’abondante épargne privée ou la grande liquidité dont bénéficie les obligations françaises.
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Mais une dégradation est donc dans l’ordre des possibles, et elle aurait un impact : « lorsqu’une dégradation entraîne le déplacement de la note vers une catégorie inférieure qui déclenche des effets de seuil automatiques sur la demande d’obligations du pays par les grands investisseurs, il y a alors un effet à la hausse sur le taux d’intérêt. Or ce serait le cas si Fitch dégradait et était ensuite suivie par plusieurs concurrentes car, pour cette agence et les autres, la France se déplacerait de la catégorie des AA vers la catégorie des A », souligne l’économiste.