Le détroit d’Ormuz, point de passage incontournable pour le commerce mondial du pétrole, est à nouveau au cœur des préoccupations économiques et géopolitiques. En cause : la montée des tensions au Moyen-Orient après les frappes israéliennes et américaines sur des sites iraniens, dont trois installations nucléaires. Ces événements ont eu comme conséquence une hausse des prix du brut de près de 10 %.
Situé entre le golfe Persique et le golfe d’Oman, le détroit d’Ormuz ne mesure que 34 kilomètres de large à son point le plus étroit. Pourtant, il concentre à lui seul près de 20 % de la production mondiale de pétrole. Selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA), environ 20 millions de barils de brut transitent chaque jour par ce corridor maritime, rapporte CNN. C’est un point de passage vital pour le pétrole. La navigation y est rendue encore plus délicate par la configuration géopolitique. Les superpétroliers doivent en effet emprunter des couloirs de navigation d’à peine trois kilomètres de large dans chaque direction, traversant à la fois les eaux territoriales iraniennes et omanaises. L’Iran, qui contrôle la rive nord du détroit, dispose donc d’un levier de pression considérable.
Vers un choc pétrolier ?
Après les frappes américaines, le Brent, référence mondiale du pétrole, a brièvement franchi la barre des 80 dollars le baril, une première depuis janvier, selon les données relayées par CNN. Le Brent et le WTI gagnent entre 1,35 et 1,4% à l’heure d’écrire ces lignes. Le Brent se négocie à 78,15 dollars le baril. Plus tôt ce matin, il avait augmenté à 79,3 dollars. L’évolution des prix dépendra désormais largement de la réponse iranienne. La réaction des marchés reste relativement mesurée, sans doute parce qu’une partie des risques géopolitiques est déjà intégrée dans les cours, après une hausse de plus de 12 % enregistrée ces dix derniers jours. Par ailleurs, les perspectives de croissance mondiale demeurent moroses, ce qui freine la demande en pétrole et limite la pression haussière sur les prix.
Mais la situation pourrait basculer. Rob Thummel, gestionnaire de portefeuille chez Tortoise Capital (spécialisé dans l’énergie), a déclaré à CNN qu’une fermeture du détroit par l’Iran pourrait faire grimper les cours vers les 100 dollars. « Un détroit d’Ormuz fonctionnel est absolument essentiel pour la santé de l’économie mondiale », a-t-il insisté.
Des voix influentes en Iran appellent désormais à l’escalade. Hossein Shariatmadari, directeur du journal conservateur Kayhan et proche du guide suprême Ali Khamenei, a prévenu dans des propos relayés par le média américain: “Après l’attaque américaine sur Fordow, c’est à notre tour d’agir.”
La Chine et l’Asie en première ligne
Une fermeture du détroit aurait des répercussions planétaires, mais certains pays seraient plus exposés que d’autres. Selon l’EIA, 84 % du pétrole brut et 83 % du gaz naturel liquéfié qui transitent par Ormuz sont destinés aux marchés asiatiques. La Chine, premier acheteur de brut iranien, en a importé 5,4 millions de barils par jour via ce canal au premier trimestre 2025. L’Inde et la Corée du Sud en ont respectivement importé 2,1 et 1,7 million de barils par jour. En comparaison, les importations des États-Unis et de l’Europe se limitent à 400.000 et 500.000 barils quotidiens.

Face à l’inquiétude des marchés, le ministre indien du Pétrole, Hardeep Singh Puri, a tenté de rassurer via X, affirmant que l’Inde avait « diversifié » ses sources d’approvisionnement et disposait de stocks suffisants.
Un risque réel mais limité ?
Malgré la rhétorique menaçante, certains analystes estiment que l’Iran hésitera à aller jusqu’au blocage. Vandana Hari, fondatrice du cabinet Vanda Insights interrogée par CNN, estime qu’il s’agit d’un « risque extrême mais improbable ». Elle rappelle que Téhéran a beaucoup à perdre : une fermeture d’Ormuz nuirait à ses voisins producteurs, certains jusque-là restés neutres, et à ses principaux clients, notamment la Chine.
En parallèle, la présence renforcée de la flotte américaine dans la région joue un rôle dissuasif. Mais la fragilité de ce point de passage demeure. Le détroit d’Ormuz reste l’un des maillons les plus sensibles de l’économie mondiale. Une étincelle géopolitique suffit à enflammer les marchés de l’énergie et, avec eux, la stabilité économique globale.
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