Sur la base des chiffres du mois d’octobre, les États-Unis devraient récolter 400 milliards de dollars en tarifs douaniers sur un an. C’est beaucoup, mais moins qu’attendu. Le secrétaire d’État au Commerce Scott Bessent tablait sur des recettes douanières annuelles comprises entre 500 et 1.000 milliards de dollars.
Alors que la Cour Suprême des États-Unis doit décider si Donald Trump avait le droit d’imposer des tarifs douaniers sans passer par le Congrès, et alors que le gouvernement américain est empêtré dans le « shutdown », la paralysie partielle, parce que le Congrès ne parvient pas à se mettre d’accord sur la loi budgétaire, les derniers chiffres de recettes concernant les tarifs douaniers montrent une image en demi-teinte. Les recettes sont importantes, mais moins importantes que ce sur quoi comptait l’administration Trump pour tenter d’équilibrer le budget.
34 milliards par mois
Les dernières données disponibles indiquent que le Trésor américain a collecté, entre janvier et fin septembre, 213 milliards de dollars. En janvier, les nouveaux droits de douane n’étaient pas encore entrés en vigueur. Ils ont été annoncés lors du Liberatjon Day au début du mois d’avril et continuent depuis d’être négociés avec des allers-retours assez fatigants. Ces derniers jours par exemple, les droits sur la Chine semblent avoir été réduits.
Selon le Wall Street Journal qui reprend des prévisions d’une société de recherches économiques, Pantheon Economics, la collecte douanière pour le mois d’octobre s’est élevée à 34 milliards de dollars. A ce rythme, on devrait atteindre les 300 milliards de recettes pour l’ensemble de cette année, et 400 milliards pour l’an prochain.
Ce sont des chiffres considérables, mais en dessous des prévisions de l’administration américaine, qui tablait sur des recettes annuelles, en vitesse de croisière, comprises entre 500 et 1.000 milliards de dollars.
Un tarif effectif de 12,5%
L’impact sur l’économie est aussi mitigé. Ces tarifs n’ont pas jusqu’à présent provoqué un Armageddon inflationniste. L’inflation en rythme annuel, en septembre, était de 3%. Ce qui est davantage que les 2% visés par la Réserve fédérale, mais qui n’est pas non plus une flambée des prix.
Selon Pantheon Economics, ces recettes douanières suggèrent que le taux moyen effectif payé par les entreprises est d’environ 12,5 %. On est également assez loin des estimations de l’administration américaine qui tablait sur un taux de 17 à 20% en moyenne. Cela s’explique parce que les entreprises étrangères ont mis en place diverses stratégies d’évitement, soit en relocalisant une partie (supposée ou réelle) de leur production dans les pays bénéficiant des tarifs les plus avantageux, délaissant par exemple la Chine au profit du Vietnam ou du Mexique, ou en constituant des stocks importants avant l’entrée en vigueur des tarifs.
En outre, si les recettes sont plus basses qu’attendu, on peut penser aussi que les entreprises américaines font davantage attention à leurs importations.
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Les entreprises conservent leurs marges
Quant à savoir qui supporte ces droits, la réponse des diverses études effectuées jusqu’à présent, par Bank of America, Goldman Sachs, … est unanime : ce sont les consommateurs américains. Aujourd’hui, ils absorbent déjà 50 à 60% des tarifs douaniers. Mais ils devraient selon Goldman Sachs en supporter les trois quarts l’an prochain. Car les entreprises vont continuer à augmenter leurs prix petit à petit.
Les entreprises américaines ne semblent pas trop souffrir en effet. Elles conservent leurs marges bénéficiaires historiques. Pourquoi ? « Une raison clé, explique le Wall Street Journal, est que les marges bénéficiaires des entreprises sont bien plus élevées qu’avant la pandémie. Ce qui leur permet de payer les tarifs sans augmenter les prix. Les détaillants peuvent se permettre de couvrir 30 % des coûts tarifaires tout en maintenant leurs marges bénéficiaires au niveau moyen des années 2010 ». En gros, dans le commerce de détail, les marges avant la pandémie s’élevaient, selon Pantheon Economics, à 3%. Lors de la pandémie, elles ont doublé, pour atteindre 6%. Et aujourd’hui, avec les tarifs, elles sont redescendues à 4%.
Bref, l’objectif des tarifs qui était de redresser les finances publiques américaines – dont le déficit annuel atteint 1.800 milliards de dollars – et de faire payer l’étranger n’est pas atteint. Pire, l’incertitude autour des tarifs pousse aujourd’hui les consommateurs à ne pas consommer. Et les entreprises à ne pas embaucher. En août, l’économie américaine n’a créé que 22.000 emplois seulement (les chiffres pour septembre et octobre ne sont pas disponibles, en raison du shutdown), alors que la moyenne mensuelle historique tourne autour de 150.000. Et le taux de chômage commence à frémir, passant de 4,2 à 4,3%.
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