Silvio Berlusconi, retour sur une vie politique rocambolesque

Berlusconi
Silvio Berlusconi le 19 mais 2023. © Getty Images

Silvio Berlusconi est décédé ce 12 juin. Le leader de Forza Italia et fondateur de Mediaset avait 86 ans. Retour sur sa vie publique et politique rocambolesque.

L’ancien chef de gouvernement italien Silvio Berlusconi est mort à l’âge de 86 ans, des suites d’une leucémie, a confirmé à l’AFP son entourage. Surnommé “l’immortel” pour sa longévité en politique, le sénateur et homme d’affaires a profondément marqué le paysage politique de l’Italie

Tout à la fois magnat des affaires et des médias en tant que fondateur de Mediaset, président de club de foot, 4 fois Premier ministre pour une durée totale de 9 ans, sa vie publique et politique aura été rocambolesque. Le parcours de cet éternel revenant, dont la mort politique fut maintes fois annoncée à tort, se confond avec l’histoire italienne des trente dernières années.

A l’étranger, Berlusconi, habitué à promettre tout et son contraire, est surtout connu pour la ribambelle de scandales dans lesquels il a été impliqué, ses gaffes devenues légendaires, ses procès à répétition et ses coups d’éclat diplomatiques.

4 fois premier ministre

À quatre reprises premier ministre, la première fois en 1994 et la dernière fois de 2008 à 2011, Berlusconi était sénateur et président de son parti de droite, Forza Italia, un partenaire mineur du gouvernement de coalition de la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni. Il a dirigé une coalition gouvernementale de centre-droit, mais même lorsqu’il n’était plus premier ministre, son influence sur la politique et la société italiennes est restée très forte.

Lorsque Berlusconi est devenu Premier ministre en 1994, il était déjà connu en Italie en tant que président du célèbre club de football AC Milan pendant plus de 30 ans. L’AC Milan a remporté cinq fois la Ligue des champions sous son ère, avant d’être vendu en 2017 à des investisseurs chinois. Il était aussi propriétaire du club de Monza.

Un « Trump avant Trump »

Pendant près de 20 ans, Berlusconi, tour à tour premier ministre et chef de l’opposition, a défini la politique italienne et laissé une empreinte considérable sur la société. Le style politique de Berlusconi était qualifié d’américain. Il était considéré comme un « Trump avant Trump ». Durant ses années actives en politique, il a tout fait pour transformer le multipartisme italien en un bipartisme à deux pôles, un bloc de centre-droit et un bloc de centre-gauche – sur le modèle américain.

S’il restait populaire chez une partie des Italiens, son parti Forza Italia, une machine à gagner les élections depuis sa création en 1994, a subi un lent déclin, passant de presque 30% des voix aux législatives de 2001 à 8% en 2022.

Un allié encombrant

Après la campagne électorale de septembre 2022, il a contribué à porter au pouvoir la radicale-droitière Giorgia Meloni.

Allié encombrant, il l’a plusieurs fois mise dans l’embarras avec ses déclarations russophiles après l’invasion de l’Ukraine. Ami personnel de Vladimir Poutine, qu’il a reçu dans sa méga-villa en Sardaigne, il a rejeté plusieurs fois sur Kiev la responsabilité du conflit.

Le sourire carnassier du “caïman”, l’un des nombreux surnoms de Berlusconi.

Le sexe à la télévision et en politique

Berlusconi était aussi le fondateur de l’empire des médias Mediaset. En introduisant la télévision commerciale en Italie, le magnat des médias a introduit par la même occasion le sexe à la télévision dans les années 1980, détournant les téléspectateurs de l’ennuyeuse télévision publique Rai à coup de jeunes femmes semi-nues en bikini à paillettes. Berlusconi, qui s’était enrichi dans l’immobilier à Milan, a utilisé sa notoriété à la télévision pour marquer des points dans la politique nationale.

Aujourd’hui, la holding de la famille Berlusconi, Fininvest, exerce toujours un contrôle considérable sur Mediaset, le plus grand réseau de télévision commerciale d’Italie, sur le journal Il Giornale, porte-parole de Berlusconi, et sur Mondadori, la plus grande maison d’édition.

Scandales à gogo

Sa carrière a également été marquée par des scandales et des problèmes juridiques qui, au cours de la dernière décennie, se sont concentrés sur les procédures liées à ses fameuses soirées sexuelles “Bunga Bunga”.

Côté scandales, Berlusconi devait encore répondre d’accusations dans le procès dit du “Rubygate”, du nom d’une mineure invitée aux soirées “Bunga Bunga” et d’abord présentée faussement comme une nièce du président égyptien Hosni Moubarak. Berlusconi, acquitté pour prostitution de mineure, était encore en procès pour subornation de témoin dans un volet de cette affaire.

En 2013, la longue litanie de ses déboires judiciaires aboutit à une première condamnation définitive, pour fraude fiscale: un an de prison – effectué sous forme de travaux d’intérêt général dans une maison pour personnes âgées – six ans d’inéligibilité et l’expulsion du Sénat. Il doit alors renoncer au titre de “chevalier de l’ordre du travail” qui lui avait valu d’être appelé “Il Cavaliere”

Combativité politique

Mais les nombreuses procédures judiciaires, n’ont pas eu raison de la combativité politique du Milanais. Lorsqu’un juge lève son interdiction de concourir en politique en 2018, Berlusconi est prêt pour une nouvelle campagne. Un an plus tard, il participe aux élections européennes et est élu au Parlement européen à 82 ans.

Jusqu’à la fin de sa vie, et malgré tous les scandales, les parties de jambes en l’air, les procès et l’odeur de la mafia dans son entourage direct, Berlusconi est resté une voix politique très recherchée à la radio et à la télévision en Italie.

Silvio Berlusconi et Giorgia Meloni en octobre 2022. GETTY

L’homme le plus riche de la péninsule

C’était également l’un des hommes les plus riches de la péninsule, avec une fortune évaluée début avril par Forbes à 6,4 milliards d’euros.

L’homme semblait immortel. Au fil des ans, le sourire carnassier du “caïman”, l’un de ses nombreux surnoms, s’était toutefois figé sur son visage lifté au maquillage “épais comme le parquet”, expression cruelle ciselée par un éditorialiste.

Sa santé était vacillante. Il avait, entre autres, subi une opération du cœur, avait guéri d’un cancer de la prostate, portait un stimulateur cardiaque depuis des années. En septembre 2020, il a été hospitalisé pendant une dizaine de jours pour une infection liée au Covid-19. À sa sortie de l’hôpital, il avait parlé du “défi le plus dangereux” de sa vie. En avril 2023, on lui a diagnostiqué une forme de leucémie dont il est décédé ce 12 juin.

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