Seydou Fofana, jeune Malien mort sur le chantier du Grand Paris Express
Il était l’un de ces nombreux mineurs non accompagnés rejoignant l’Europe chaque année, dans l’espoir d’une vie meilleure. A 21 ans, le Malien Seydou Fofana, arrivé en 2019, est mort écrasé début avril par un bloc de béton, sur le chantier du métro du Grand Paris.
C’était “un jeune déterminé, qui s’est donné les moyens de réussir, assidu dans les ateliers scolaires. Il a appris le français, ce qui lui a permis d’obtenir sa formation”, explique Elvis Koloko, l’un de ses éducateurs.
Une réussite partagée avec sa mère restée au Mali, à qui il venait d’envoyer de l’argent pour “acheter du sucre, du riz pour le ramadan”, raconte son oncle paternel, Cheickna Fofana, rencontré par l’AFP à son domicile parisien.
Au Mali, le jeune homme grandit avec ses six frères et soeurs à Kabaté, un village de la région de Kayes, proche de la frontière avec le Sénégal. Son père est mort quand il avait deux ans.
Des ressources plus que modestes poussent l’adolescent à tenter la traversée, par la mer, vers l’Europe. Avant d’y parvenir, il travaille quelques mois en Algérie pour une compagnie chinoise, puis il y sera emprisonné pour travail irrégulier.
“C’était un garçon dynamique qui contribuait au village et avait plein de projets”, résume son oncle, qui effectue les démarches pour faire enterrer son neveu au Mali.
Une formation dans le bâtiment
Le jeune apprenti avait décroché en septembre une formation dans le bâtiment, “une fierté”, explique Philippe Allard, directeur de l’association Concorde, basée à Montfermeil, en région parisienne. Cette structure éducative, partenaire de l’aide sociale à l’enfance, l’a pris en charge après son arrivée en France.
“Le désir de Seydou était, depuis le départ, de travailler dans le BTP. Son travail lui donnait beaucoup de satisfaction”, assure M. Allard qui l’a accompagné pendant deux ans.
Seydou Fofana était en contrat d’insertion. Son apprentissage de 300 heures touchait à sa fin. Il alternait les cours et son travail sur le chantier de la ligne 17 du Grand Paris Express pour le sous-traitant Lif TP à Gonesse, au nord de la capitale française, en plein milieu des champs.
C’est sur ce site, le 6 avril vers 09H30, qu’un bloc de béton s’est détaché d’un mur de fondation de six mètres de profondeur. L’apprenti se trouvait dans la voie creusée.
Il est mort écrasé, cinquième victime d’un accident du travail mortel depuis le début des travaux du Grand Paris Express.
Une expertise est en cours, pour déterminer notamment “s’il y a eu une malfaçon”, indique une source policière.
“Stress et danger”
Sur le chantier, où tout le monde l’appelait affectueusement “le petit”, c’est “son sourire communicatif” qui revient à l’esprit.
“On ne devrait pas mourir à cet âge”, se désole Mamoudou, un prénom d’emprunt comme pour les autres ouvriers interrogés, la consigne étant “de ne pas parler aux journalistes”.
“On n’est pas au Qatar, on a des droits!”, ne décolère pas un collègue, Sofiane, le décrivant comme “souriant, serviable mais sans expérience”.
On lui avait confié la tâche de “manoeuvre”, assistant les ouvriers spécialisés. Un jour, il pouvait s’occuper du trafic des engins et décharger les matériaux; un autre, il effectuait de petites opérations de terrassement.
Autant de menus travaux essentiels au bon déroulement d’un chantier titanesque de 200 km de voies et à la création de quatre lignes de métro automatique autour de Paris, devant ouvrir entre 2025 et 2030.
“Il y a des tâches qu’il ne faut pas confier à des personnes inexpérimentées surtout sur de gros chantiers”, commente Ricardo. “Entre le stress, le bruit, le danger, ça ne pardonne pas”, soutient cet ouvrier, qui évoque aussi la “pression de respecter les délais”. Un jour, “un chef m’a dit: +C’est vous qui allez payer le retard+”.
Pour Seydou Fofana, une nouvelle étape de la vie s’ouvrait: s’émancipant de son foyer éducatif, il avait obtenu un logement et une carte de résidence. Sur le bureau de son employeur, une promesse d’embauche l’attendait.
Son nom s’est ajouté à ceux de Maxime Wagner, Joao Baptista Miranda, Abdoulaye Soumahoro et Frank Michel, morts sur le même chantier colossal entamé en 2015.