Scandale en Suède: la chute de la “reine des ordures”

Bella Nilsson, managing director for the garbage disposal company Think Pink © getty

C’est le plus grand scandale environnemental de la Suède: onze personnes, dont une femme surnommée “la reine des ordures”, sont jugées pour déversement illégal de 200.000 tonnes de déchets. L’entreprise était considérée jusqu’en 2020 comme un fleuron du secteur.

Parmi ces déchets de construction, issus de la région de Stockholm, d’importantes quantités de matériaux toxiques que l’entreprise NMT Think Pink est accusée d’avoir dispersées sans intention de les retraiter correctement. Selon l’acte d’accusation, d’importantes quantités de PCB (polychlorobiphényles, polluants dits éternels), plomb, mercure, arsenic et autres produits chimiques ont été libérées dans l’air, le sol et l’eau, “ce qui a conduit, ou aurait pu conduire, à une pollution dommageable à la santé des humains, des animaux et à la flore”.

L’entreprise, qui a fait faillite, “a récolté des déchets sans intention ou capacité de les traiter conformément à la législation”, selon les procureurs. On y trouvait des matériaux de construction, de l’électronique, des métaux, du plastique, du bois, des pneus, des jouets etc. Think Pink a constitué des tas “non triés, écrasés, broyés et/ou sans protection suffisante”, avant de les abandonner et d’en “céder le contrôle”, selon l’acte d’accusation.

L’ancienne directrice générale de Think Pink, Bella Nilsson, ancienne strip-teaseuse qui s’était autoproclamée “reine des ordures”, est l’accusée la plus en vue de ce procès. Dernière arrivée à l’audience, cachée derrière de grosses lunettes de soleil noires, Nilsson a refusé de répondre aux questions des journalistes, repoussant leurs micros. Le procès, qui se tient dans un tribunal du nord de Stockholm, s’est ensuite ouvert et devrait durer jusqu’à mai 2025.

Croissance et emplois

Son ex-mari et fondateur de l’entreprise Thomas Nilsson, un riche entrepreneur excentrique Leif Ivan Karlsson qui a participé à une émission de télé-réalité, et le “courtier en déchets” Robert Silversten comparaissent également à ses côtés. Un consultant ayant aidé l’entreprise à valider des inspections environnementales, Magnus Karlsson, est accusé de complicité. Les onze accusés nient toute infraction.

À son apogée, entre 2018 et 2020, les grands sacs fuchsia de déchets de construction de l’entreprise étaient visibles sur de nombreux trottoirs de Stockholm, et Think Pink a remporté à deux reprises un prestigieux prix suédois récompensant l’entreprise à la croissance la plus rapide et créatrice d’emplois. La société a été sélectionnée par de nombreuses communes, entreprises de construction, copropriétés et foyers pour recycler et traiter leurs déchets de construction. Après l’arrestation de ses dirigeants en 2020, l’entreprise s’est écroulée.

Bella Nilsson a affirmé à des médias suédois que son groupe avait agi conformément à la législation et qu’elle avait été victime d’un complot organisé par ses concurrents.

 Enquête de 45.000 pages

“Elle peut tout expliquer (..) cela implique le fonctionnement du secteur”, a assuré son avocat, Jan Tibbling, au quotidien Dagens Nyheter (DN) lundi. Selon la chaîne TV4 qui s’est appuyée sur l’enquête policière, Nilsson est également soupçonnée d’abus de biens sociaux, accusée d’avoir utilisé les fonds du groupe pour payer des vacances, des vêtements pour près de 100.000 euros ou des notes de restaurant. L’affaire est considérée comme le plus grand scandale environnemental suédois et l’enquête policière tient sur plus de 45.000 pages, tandis que 150 témoins sont attendus à la barre. Pour la procureure Linda Schön, “ce sont les générations futures qui vont payer pour ce crime”, a-t-elle dit à l’AFP après l’audience. “Nous pouvons seulement deviner quels seront les dégâts concrets ou les dommages, qui deviendront visibles pour les prochaines générations”, a-t-elle ajouté. L’enquête avait été limitée à 21 sites pour pouvoir s’achever dans les délais légaux.

Plusieurs communes réclament des dommages et intérêts pour les coûts de nettoyage et de décontamination, pour un total de 260 millions de couronnes (23 millions d’euros). L’une des principales demandes vient de la commune de Botkyrka où des monceaux de déchets de Think Pink ont pris feu, provoquant des incendies qui ont fait rage pendant des mois en 2020 et 2021, l’un d’eux à proximité de deux réserves naturelles.

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