Près de trois ans après le sabotage du gazoduc russe Nord Stream en mer Baltique, un Ukrainien suspecté d’être l’un des coordinateurs du commando a été arrêté jeudi en Italie. Il s’agit de la première arrestation dans cette affaire particulièrement sensible, sur fond de guerre en Ukraine depuis février 2022.
Dans un communiqué diffusé jeudi, le parquet fédéral allemand, spécialisé dans les affaires de terrorisme, a annoncé avoir « fait procéder à l’arrestation sur la base d’un mandat d’arrêt européen du citoyen ukrainien Serhii K., par la police italienne, dans la province de Rimini (Italie) ».
« Serhii K. faisait partie d’un groupe de personnes qui, en septembre 2022, ont placé des explosifs sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 près de l’île danoise de Bornholm », a précisé le parquet, ajoutant qu’il s’agissait « vraisemblablement d’un des coordinateurs de l’opération » de sabotage.
Le suspect de 49 ans séjournait depuis quelques jours avec sa famille à San Clemente, village proche de Rimini, grande station balnéaire de la mer Adriatique, selon les autorités italiennes. « Les gendarmes ont lancé un raid sur le bungalow où il se trouvait et il a été arrêté sans opposer de résistance », ont-elles indiqué.
Une enquête sensible aux répercussions diplomatiques
Lors d’un bref point presse à Berlin, la ministre allemande de la Justice, Stefanie Hubig, a salué le « succès très impressionnant » du parquet. Interrogée sur les conséquences de cette arrestation pour les relations germano-ukrainiennes, elle a réaffirmé la solidarité de Berlin avec Kiev, dont l’Allemagne reste l’un des plus fervents alliés.
VIDEO : Le sabotage de Nord Stream: des enquêtes pointent vers l’Ukraine
Le 26 septembre 2022, quatre énormes fuites de gaz, précédées d’explosions sous-marines, avaient eu lieu à quelques heures d’intervalle sur Nord Stream 1 et 2, des conduites reliant la Russie à l’Allemagne et destinées à acheminer l’essentiel du gaz russe vers l’Europe.
À cette époque, Moscou avait déjà cessé ses livraisons via Nord Stream 1, en pleine confrontation avec les pays européens alliés de Kiev. Quant à Nord Stream 2, pomme de discorde entre Berlin et Washington, il n’était jamais entré en service.
Depuis le sabotage, des enquêtes judiciaires distinctes ont été ouvertes par l’Allemagne, la Suède et le Danemark. Les deux pays scandinaves ont clos leurs investigations en 2024, laissant planer de nombreuses hypothèses, dont celle d’un État commanditaire. L’Ukraine, la Russie et les États-Unis ont toujours démenti toute implication.
La piste d’un voilier loué avec de faux papiers
Selon le parquet fédéral allemand, Serhii K. et ses complices « ont utilisé un voilier (…) au départ de Rostock », port allemand sur la Baltique. Le navire avait été loué auprès d’une entreprise allemande à l’aide de faux papiers d’identité, fournis par des intermédiaires. Les explosifs avaient ensuite été déclenchés le 26 septembre 2022, causant de graves dégâts aux deux gazoducs.
Après son transfert en Allemagne, le suspect doit être présenté à un juge de la Cour fédérale de justice.
Un an auparavant, plusieurs médias allemands, dont la chaîne publique ARD et les journaux Die Zeit et Süddeutsche Zeitung, avaient révélé que l’enquête s’orientait vers une piste ukrainienne. Un mandat d’arrêt visait alors un plongeur professionnel, Volodymyr Z., soupçonné d’avoir participé à l’opération avec deux compatriotes. Cet homme, installé en Pologne, avait toutefois réussi à regagner l’Ukraine avant d’être arrêté.
Peu après ces révélations, le Wall Street Journal avait affirmé que l’ancien chef d’état-major ukrainien Valery Zaloujny avait supervisé le sabotage. La présidence ukrainienne avait dénoncé un « non-sens absolu » le 15 août 2024. Quatre jours plus tard, Moscou avait jugé « clair » que Washington était derrière l’opération.