Amid Faljaoui

Russie: un putsch avorté qui en dit long sur la décomposition au sommet de l’Etat

Et si la fuite de Wagner illustrait en soi la décomposition de l’économie en Russie ? C’est la question que se posent ouvertement les élites économiques occidentales, mais également russes.

Le raisonnement des milieux économiques est le suivant : la milice n’aurait pas tenté son coup d’Etat si le chef de cette milice n’était pas convaincu que l’Ukraine était perdue pour Moscou comme le relate mon confrère Jean-Marc Sylvestre, éditorialiste chez Atlantico.fr.

Selon ses sources, si le chef de la milice Wagner a rebroussé chemin alors que ses chars étaient à 200 kilomètres des portes de Moscou, c’est d’abord et avant tout pour sauver son propre business, notamment son juteux business en Afrique. Il a raisonné de la sorte, car selon les milieux d’affaires cités par Jean-Marc Sylvestre, il n’avait que deux options. Soit obtenir un changement de gouvernance en Russie auprès de l’armée afin d’être mieux traité, soit abandonner et se replier sur l’Afrique. C’est ce qu’il devrait donc faire.

J’utilise le conditionnel, car d’ici là, un accident est vite arrivé comme on le sait dans cette région. Rien que ce putsch avorté en dit déjà long sur la décomposition au sommet de l’Etat russe.

Le vrai problème de la Russie n’est pas là. Il est, comme le dit mon confrère Jean-Marc Sylvestre, dans la fuite des cerveaux. Plus de 1.300.000 personnes qualifiées ont quitté le territoire. Des ingénieurs, des techniciens pointus, des spécialistes du digital, des chercheurs, des médecins… Bref, la crème de la crème a quitté le pays, ce qui pose des problèmes de fonctionnement pour son économie.

D’autant que celle-ci n’arrive pas à recruter des gens qualifiés. D’abord, à cause de cette fuite des cerveaux. Ensuite, parce que la conscription obligatoire de 300.000 salariés fait que le chômage est au plus bas en Russie. Il est en effet inférieur à 4%.

Et puis, il ne faut pas oublier que beaucoup d’oligarques ont quitté le pays, les uns pour aller en Israël, d’autres pour la Turquie et davantage encore pour Dubaï. J’en reviens moi-même et je peux vous confirmer que l’immobilier à Dubaï flambe en raison de la présence de ces Russes fortunés. Ces derniers ont pris dans leur valise pas mal de salariés compétents qui ne sont plus disponibles pour faire tourner l’économie russe.

S’il est vrai de dire que l’économie russe a plutôt bien résisté aux sanctions économiques des occidentaux, c’est parce que d’autres pays – l’Inde, la Chine ou la Turquie pour les nommer – ont aidé la Russie à contourner ces embargos, notamment en achetant du pétrole à prix bradé pour le revendre au prix du marché. Même les Saoudiens ont, en quelque sorte, aidé indirectement les Russes en diminuant leur production de pétrole, ce qui a renforcé le prix de l’or noir au grand plaisir de Moscou.

Mais, aujourd’hui, le monde a compris que si l’économie russe arrive encore à résister, son problème sera la fuite des cerveaux sans lesquels son économie aura du mal à tourner. Surtout, cette histoire de putsch avorté montre que si le Kremlin misait sur la lassitude des Occidentaux pour gagner cette guerre à l’usure, l’épisode Wagner montre, au contraire,  qu’il faut se tenir aux côtés des Ukrainiens, car comme l’écrit Le Figaro « Poutine a tremblé et ça le monde entier l’a vu en direct ».

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