Le Premier ministre français Sébastien Lecornu a annoncé ce mardi la suspension de la réforme des retraites jusqu’à l’élection présidentielle de 2027. Il met ainsi entre parenthèses la mesure emblématique du second mandat d’Emmanuel Macron qui avait repoussé l’âge légal de départ à 64 ans.
Cette décision marque un tournant majeur après des semaines de crise politique. Adoptée en 2023 sans vote parlementaire grâce à l’article 49.3 de la Constitution, cette réforme profondément impopulaire avait déclenché des mois de manifestations et de grève dans le pays.
Une concession pour sauver le gouvernement
La suspension constitue un préalable exigé par le Parti socialiste, dont les voix sont indispensables pour éviter la censure du gouvernement et de probables nouvelles élections législatives anticipées. L’urgence de cette mesure a même été soulignée par Philippe Aghion, nouveau prix Nobel d’économie français, qui avait plaidé dès lundi soir pour l’arrêt de la réforme.
“Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime. Cela n’aura pas lieu”, a déclaré le Premier ministre Sébastien Leconu lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale.
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Abandon de l’utilisation de l’article 49.3
Cette suspension aura un coût : 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027, selon Sébastien Lecornu, qui a promis que ces montants seraient “compensés par des économies”. Le Premier ministre a également confirmé l’abandon de l’utilisation de l’article 49.3, autre exigence des socialistes qui menaçaient de déposer une motion de censure dès mardi soir sans réponse claire à leurs demandes.
Le gouvernement a présenté mardi son projet de budget pour 2026, qui prévoit 30 milliards d’euros d’économies alors que la France croule sous une dette de 3.300 milliards d’euros (115% du PIB).
Des “anomalies” dans la fiscalité des grandes fortunes
Le déficit public serait ramené à 4,7% du PIB, avec un objectif de “moins de 5% à la fin de la discussion” parlementaire, a précisé M. Lecornu.
Le Haut conseil des finances publiques a toutefois averti que le projet reposait sur des hypothèses de croissance “un peu trop optimistes”. La cheffe de file de l’extrême droite Marine Le Pen l’a quant à elle jugé “terriblement mauvais”.
Autre gage donné aux socialistes : le Premier ministre a reconnu “des anomalies” dans la fiscalité des très grandes fortunes et annoncé “une contribution exceptionnelle” des Français les plus riches dans le prochain budget.
Menaces de censure toujours présentes
La France insoumise (gauche radicale) et le Rassemblement national (extrême droite) ont déposé des motions de censure qui seront examinées jeudi à l’Assemblée nationale. Elles ont toutefois peu de chances d’être adoptées, le Parti socialiste ayant fait savoir qu’il ne voterait pas ces textes.
Contexte de crise : la France traverse une période inédite d’instabilité politique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, qui a abouti à une chambre sans majorité, divisée entre la gauche, le centre droit et l’extrême droite.
“Si le Parlement français ne parvient pas à voter un budget pour 2026, les seuls qui se réjouiraient d’une crise ne sont pas les amis de la France”, a mis en garde le Premier ministre.
(Avec AFP)