Quels secrets cache l’épave du yacht de Mike Lynch ?
L’épave de l’énorme yacht du milliardaire Mike Lynch qui a sombré au large de la Sicile fait l’objet d’une surveillance accrue. Ses coffres-forts étanches contiendraient deux disques durs stockant « des données sensibles ». Retour sur l’histoire de plus en plus étrange du Bayesian.
Le yacht de luxe a coulé au large des côtes siciliennes le 19 août. Le naufrage a emporté 7 des 22 personnes qui se trouvaient à bord. Parmi les victimes, il y a Mike Lynch, le milliardaire anglais de 59 ans surnommé le « Bill Gates britannique », sa fille de 18 ans Hannah, l’un de ses avocats, et Jonathan Bloomer, le président de la succursale londonienne de la banque d’investissement Morgan Stanley International.
Une très intrigante affaire
Particulièrement intrigante, l’affaire va rapidement avoir un écho international. Le drame a pour cadre le milieu des ultrariches avec, en toile de fonds, une catastrophe aussi subite que violente. A cela s’ajoute encore Mike Lynch, un personnage central non dénué d’une certaine part d’ombre. S’il était indubitablement l’un des grands noms du milieu de la tech, il était également depuis presque une décennie au cœur d’une saga judiciaire qui l’opposait à Hewlett-Packard. Le fabricant informatique américain l’accuse de fraude, ou plus précisément d’avoir artificiellement gonflé les revenus d’Autonomy, une de ses compagnies, pour augmenter son prix de vente.
Une improbable accumulation de coïncidences malheureuses
C’est surtout l’improbable accumulation de coïncidences malheureuses qui va titiller de nombreux esprits.
Il se trouve que le naufrage a lieu quelques mois à peine après qu’une cour de justice américaine a acquitté le milliardaire britannique dans l’affaire Hewlett-Packard. C’est d’ailleurs cette victoire que Mike Lynch souhaitait fêter avec ses invités.
Il y a aussi les circonstances du naufrage et le fait que le bateau ait coulé de façon aussi abrupte. Plus étrange encore ; cette trombe marine ne semble n’avoir fait qu’une victime : le plus grand voilier du monde (pas clair = le bayesian ?). Le bateau n’était pas équipé d’une boîte noire traditionnelle ou d’un enregistreur de données de voyage pour enregistrer les données de navigation ou le son sur la passerelle. Les disques durs du bateau et les caméras de surveillance liées au système de navigation du yacht ont par contre été remis aux enquêteurs afin de déterminer s’il existe des données exploitables qui pourraient indiquer comment le yacht a coulé dans les 16 minutes qui ont suivi l’arrivée de la tempête. Pour l’instant l’enquête en est donc encore officiellement aux stades des conjonctures.
Les rapports toxicologiques concernant les personnes décédées n’ont pas non plus encore été publiés, mais aucune d’entre elles n’aurait subi de blessures physiques lorsque le bateau a coulé. La plupart seraient morts par noyade sèche. Coincés dans les endroits où ils se seraient réfugiés, ils seraient morts par manque d’oxygène.
Enfin, et c’est peut-être la plus étrange coïncidence de toutes, Stephen Chamberlain, le partenaire en affaires de Mike Lynch et coaccusé dans l’affaire Hewlett-Packard est mort. Il a été renversé par une voiture le 17 août au Royaume-Uni alors qu’il faisait son jogging. Il est mort à l’hôpital le 19 août, soit le jour où le Bayesian a sombré.
Des trésors encore enfouis
Aujourd’hui, le bateau est toujours à plus de mètres de profondeur. Le procureur local Ambrogio Cartosio a déclaré qu’aucun effet personnel n’avait été récupéré du navire. L’épave ferait l’objet de nombreuses convoitises. Celles des voleurs qui rêvent de repêcher les bijoux coûteux et autres objets de valeur. Mais aussi celles des gouvernements étrangers. La Russie et de la Chine seraient ainsi particulièrement intéressés par le Bayesian. Ses coffres-forts étanches il y aurait deux disques durs cryptés qui contiendraient des informations secrètes, selon CNN. Il s’agirait notamment de mots de passe et d’autres données sensibles liées à des agences de renseignement occidentales, précise CNN.
Conseiller de l’ombre et entreprises de cybersécurité
Lynch n’aurait eu qu’une confiance limitée envers les services de cloud et aurait conservé certaines données dans un compartiment sécurisé du yacht. Or par l’intermédiaire de ses entreprises, Lynch entretenait d’intenses contacts avec les services de renseignement britanniques et américains.
Lynch, dont l’entreprise Revtom Limited, détenue par sa femme, était propriétaire du navire, a, par exemple, été le conseiller des Premiers ministres britanniques David Cameron et Theresa May dans les domaines de la science, de la technologie et de la cybersécurité pendant leurs mandats. Et sa première société, Cambridge Neurodynamics, était spécialisée dans la reconnaissance des empreintes digitales. Elle avait aussi des contrats avec l’agence de renseignement britannique MI6. Autonomy Corporation, une entreprise dérivée de Neurodynamics, aurait, elle, vendu du matériel d’écoute informatisé au MI6, à la cyber-agence britannique GCHQ, aux agences de renseignement italiennes et à l’agence américaine Homeland Security, créée après les attentats du 11 septembre 2001.
Lynch a vendu Autonomy à HP en 2011 avant d’investir en 2013 dans Darktrace, une société spécialisée dans la cybersécurité et qui, de son propre aveu, comptait parmi ses employés d’anciens espions ayant travaillé pour le MI6, le GCHQ, la CIA et le FBI. Darktrace a été vendue à la société de capital-investissement Thoma Bravo, basée à Chicago, en avril. Certains y verront encore une coïncidence supplémentaire.
Grosse facture en perspective
Les plongeurs auront bientôt terminé l’inspection de l’épave. Sur base de ces constatations, un plan pour renflouer ce navire de 473 tonnes devrait être présenté. Une opération délicate, car elle doit être réalisée sans déverser les 18 000 litres d’huile et de carburant qui se trouvent encore à bord. Quoi qu’il en soit, les frais de renflouement seront à la charge de son propriétaire, c’est-à-dire la veuve de Mike Lynch, comme le prévoit le droit maritime italien.
Madame Lynch risque aussi de devoir faire face à d’autres dépenses. Car l’affaire judiciaire avec Hewlett Packard Enterprise n’est pas définitivement enterrée. Elle continue dans le cadre d’un procès civil au Royaume-Uni ou l’entreprise réclame toujours 4 milliards de dollars de dommages et intérêts, même après la mort de Mike Lynch.
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