Quelles conséquences si les USA et la Chine ne commercent plus?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le couple économique formé entre les États-Unis et la Chine est au bord du divorce après un échange de gifles qui va laisser des marques.

Les États-Unis avaient la semaine dernière imposé des tarifs douaniers de 34 % supplémentaires aux produits chinois, déjà grevés de droits de douane de 20 % par ailleurs ; la Chine avait riposté en imposant 34 % aux produits américains importés chez elle ; et les États-Unis ont répliqué par des droits supplémentaires de 50 %, portant le total des tarifs douaniers supportés par les produits chinois à 104 % ! Cela ne semble pas ébranler Pékin : le ministère chinois des Affaires étrangères a promis que la Chine « se battra jusqu’au bout ».

Sur le terrain, les conséquences sont simples : une paire de baskets fabriquées en Chine qui se vendait aux États-Unis 100 dollars hier se vend 200 dollars aujourd’hui.

Que les biens

Le commerce des biens entre la Chine et les Etats-Unis est donc proche de la rupture. Des biens, car rappelons-le, les tarifs douaniers américains imposés par Donald Trump ne concernent pas les services. Ils se concentrent sur les biens manufacturés importés : produits électroniques, machines, automobiles, les composants divers et variés, les produits semi-finis. Les services – les prestations numériques, les services financiers ou les échanges immatériels –  ne sont pas mentionnés dans ces droits de douane “réciproques”.

Heureusement pour l’économie mondiale, d’ailleurs. Car le jour où les banques chinoises perdront leur agrément pour accéder au dollar et donc au système financier international, cela causerait un choc immense et créerait une crise financière d’une ampleur incomparable à celle des subprimes….

On est donc aujourd’hui dans une situation où le couple américano-chinois fait chambre à part mais reste dans la maison.

Quand les enfants s’appellent Walmart ou Apple


Le problème, comme dans tout divorce, ce sont les enfants : Apple, Walmart, Ford, Tesla… Qui sont le fruit des liens très forts qui avaient été noués, sur le plan économique, entre les deux pays, au plus fort de la mondialisation. Quelques exemples : presque 9 produits Apple sur 10 sont assemblés en Chine, la totalité des batteries de Tesla sont chinoises ; les trois quarts des produits vendus par Walmart sont chinois, le titane et l’électronique embarquée dans les Boeing sont chinois, Nike fait réaliser 20 % de ses chaussures en Chine et en 2021 la marque réalisait en Chine 20 % de ses ventes…
Une rupture des relations commerciales entre Washington et Pékin ne concernant que les biens physiques aurait donc d’immenses répercussions.

 Le consommateur américain ne retrouverait pas, par exemple, des baskets fabriquées aux États-Unis et vendues à 100 dollars. D’abord parce que le coût de la main-d’œuvre est bien plus élevé aux États-Unis, ensuite parce que si, par miracle, une usine entièrement robotisée fabriquait à faibles coûts des chaussures de sport, elle ferait une étude de marché et se positionnerait un peu en dessous du prix auquel les Chinois vendraient encore leurs produits aux États-Unis. Des baskets made in usa se vendraient donc 150 à 190 dollars.

Le problème se complique encore quand on parle de produits plus complexes, comme les produits électroniques. Car ces chaînes de fabrication de composants et ces chaînes d’assemblage n’existent pas aux États-Unis et il faudrait des années pour les construire. Et même si les États-Unis parvenaient à construire rapidement ces usines de fabrication de composants et d’assemblage, le prix de revient d’un iPhone 16, qui est de 485 dollars aujourd’hui s’il est fabriqué en Chine, passerait à 2000 dollars s’il est fabriqué aux États-Unis avec des composants américains. Apple appliquant des marges de 60 à 65 % sur ce type de produits, un iPhone 16 se vendrait donc au moins 3200 dollars.

Un combat de rue

Une rupture entre la Chine et les États-Unis serait donc en premier lieu dommageable aux consommateurs américains. Les entreprises américaines en souffriraient aussi, en raison des ruptures de chaînes d’approvisionnement : batteries, titane, semi-conducteurs… Les entreprises manufacturières américaines pour qui la Chine est un marché important, comme Micron, Qualcomm, GM… souffriraient aussi. Et si ces entreprises veulent négocier avec la Maison Blanche, pour bénéficier de l’une ou l’autre exemption, cela leur coûtera aussi de l’argent parce que Donald Trump voudra quelque chose en retour.

Évidemment, la Chine recevrait aussi des coups. L’économie chinoise, déjà fragilisée par une crise immobilière qui traîne en longueur et par une classe moyenne chinoise dont le taux d’épargne est de 40 %, souffrirait d’un ralentissement économique plus sévère encore, puisque les États-Unis représentent 17 % des exportations chinoises (l’Union européenne aussi, d’ailleurs).

Mais les citoyens chinois sont déjà prévenus de l’impact de cette guerre commerciale avec les États-Unis et semblent prêts à en supporter la douleur. Car le régime chinois reçoit ces droits de douane comme une atteinte à la souveraineté du pays.   « M. Trump n’a jamais participé à un combat de rue où l’autre partie était prête à se battre et à utiliser le même type de tactique que lui », avertie, dans un entretien au New York Times, Scott Kennedy, conseiller au « Center for Strategic and International Studies », un groupe de réflexion de Washington.

Les conséquences d’un tel divorce dépasseront bien sûr le cadre des frontières américaines et chinoises. Un divorce commercial aurait un impact récessif immédiat :il réduirait le commerce mondial et donc l’activité. Bien sûr, chacun des deux essayerait de compenser la perte de son  partenaire en allant voir ailleurs. C’est difficile pour les États-Unis, avec des consommateurs locaux qui seront impactés par l’inflation, et avec l’autre grand marché mondial, l’Europe, digérant très mal d’avoir à supporter des droits de douane et cherchant à la fois à se rapprocher de la Chine et à construire des représailles contre les États-Unis. Mais pour l’Europe, ce n’est pas simple, car  la Chine chercherait à écouler ses vastes surplus manufacturiers à prix bradés.

Quand un divorce se passe mal, les voisins en ont souvent à pâtir.

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