La crise politique chez nos voisins atteint des sommets. L’absence de budget fragilise l’économie et le vide de pouvoir menace la stabilité démocratique. Encore une fois: pour apprendre le bon fonctionnement du compromis, une visite en Belgique s’impose.
C’est du jamais vu, clamaient tous les experts sur les plateaux de télévision français, lundi soir. Déjà, Sébastien Lecornu, le Premier ministre désigné par le président français, Emmanuel Macron, n’aura tenu que quinze heures à la tête d’un gouvernement immédiatement contesté. Une première!
Mais en outre, alors que le président demandait au même Sébastien Lecornu de persister dans la recherche d’une solution après le retrait du controversé Bruno Le Maire de son ministère des Armées, le chef du camp présidentiel au parlement, Gabriel Attal, plantait un couteau dans le dos: “Je ne comprends plus les décisions du président de la République”.
Un autre ancien Premier ministre, Edouard Philippe (Horizons), Édouard Philippe appelle Emmanuel Macron à organiser une “élection présidentielle anticipée” après l’adoption d’un budget. “Face à l’affaissement terrible de l’Etat, il doit prendre une initiative”, argumente Edouard Philippe. Ces derrnières heures, le président a dit qu’il “prendrait ses responsabilités”, mais qu’il ne partirait pas.
Toutes les oppositions réclament une dissolution de l’Assemblée nationale, voire une démission d’Emmanuel Macron. Le problème, en réalité, est plus grave. Tant pour ses conséquences pour l’Europe que pour ce qu’il révèle: une incapacité française à rentrée dans une culture du compromis à la belge.
De lourdes conséquences
Ce chaos politique sans précédent menace tout d’abord l’adoption dans les temps d’un budget pour la France, alors que la situation ne cesse de se dégrader. Après trois années de dérapages successifs et un an d’instabilité institutionnelle, le niveau de la dette publique atteint le sommet historique de 115,6% du PIB. Le déficit s’élève à 5,5% du PIB et pourrait s’envoler encore.
Après la démission de Sébastien Lecornu, les marchés se sont écrasés et les taux d’emprunt se sont envolés. Une spirale infernale. Croire que cela ne nous concerne pas serait une erreur, à l’heure de l’euro et en l’absence d’une gouvernance économique européenne.
Le chaos politique français est également préjudiciable pour la cohésion européenne à l’heure où la menace russe devient de plus en plus palpable. En cas de dissolution de l’Assemblée nationale, les chances sont grandes de voir le RN l’emporter. Il fallait voir l’ancien Premier ministre, Manuel Valls, souligner lundi soir combien le danger était grand, notamment en raison du prisme pro-russe de l’extrême droite.
L’incapacité du compromis
Dans ses critiques au chef de l’Etat, Gabriel Attal met en avant la nécessité d’adopter une autre méthode plutôt que de persister à utiliser les mêmes recettes. L’initiative, dit-il, doit désormais venir des partis au parlement qui doivent trouver un compromis avant de former un gouvernement.
Pour la Ve République française, ce serait une révolution copernicienne que le locataire de l’Élysée ne semble pas prêt à essayer. Depuis la dissolution de l’Assemblée, après l’échec du camp Macron aux élections européennes, le pays vacille pourtant d’une crise à l’autre, sans trouver la formule magique, de Barnier à Lecornu en passant par Bayrou.
L’exemple, certes imparfait, vient de Belgique, notamment. Le système à la proportionnelle force les partis à s’entendre à à créer des gouvernements de coalition. C’est peut-être illisible, mais cela ne donne pas lieu à un aussi piètre spectacle que celui livré en France depuis dimanche.
Les prochaines heures seront cruciales pour la France et pour l’Europe. Sera-t-il encore temps d’essayer cette formule?