Pourquoi la France prend le risque d’être gérée à gauche, alors qu’elle penche à droite

Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Avec la suspension de la réforme des retraites, le négociateur Sébastien Lecornu se tourne vers l’aile gauche du champ politique. La perspective d’une nouvelle dissolution s’éloigne, mais il s’agit d’une rustine sur une plaie béante. Cela permettrait d’avoir un budget, mais le RN et LR risquent risquent de se braquer en vue des scrutins à venir. Il s’agit “d’aller à la catastrophe”, selon l’économiste Olivier Babeau.

Un nouveau gouvernement avec une mission limitée sur la préparation d’un budget semble possible, en France. Une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale s’éloigne, tandis que le président de la République, Emmanuel Macron, exclut toute idée de démissionner, selon son entourage.

Il y a une volonté partagée d’avoir un budget qui éloigne les perspectives d’une dissolution”, a confirmé Sébastien Lecornu, ce mercredi matin. Pour y arriver, il semble que d’importantes concessions seront faites à la gauche, notamment une suspension de la réforme des retraites, qui crispe le pays.

Le tour de la gauche

C’est l’ancienne Premier ministre, Elisabeth Borne, qui a annoncé la nouvelle d’une possible suspension de la réforme des retraites, elle qui avait porté ce chantier à bout de bras. “On prend!”, a notamment réagit Raphaël Glucksmann (Place publique), dès hier soir.

“Il a des bougers”, soulignait encore Raphaël Glucksmann en évoquant, outre ce débat sur les pensions, la possibilité d’obtenir des avancées en matière de justice fiscale. Tout devait cependant être “précisé”.

Mais l’orientation semble claire. Alors que le Rassemblement National boude les consultations de Sébastien Lecornu, le camp Macron cherche du soutien à gauche, scrutant vers l’arc républicain composé du PS, de Place Publique, d’Ecolo ou du PCF. Pas de La France Insoumise.

Après trois premiers ministres “centristes” (Barnier, Bayrou, Lecornu), le moment est-il venu de nommer à Matignon un PS compatible?

“Aller à la catastrophe”

“Je pense maintenant qu’il faut en effet nommer un gouvernement de gauche, souligne l’économiste Olivier Babeau (Intitut Sapiens). De préférence avec Olivier Faure.” Le secrétaire général du PS ne cache pas depuis des semaines son envie d’aller à Matignon. P

“Pour sortir du lent pourrissement, il faut aller directement à la catastrophe, prolonge Olivier Babeau. Et je dirais même à l’apocalypse au sens étymologique (dévoilement). Il faut que tout s’effondre vraiment pour que les limites du système se révèlent et que l’on puisse repartir de l’avant.”

Le coût de la suspension des retraites pourrait être lourd. Selon le ministre démissionnaire de l’Economie, Roland Lescure, cela coûterait “des centaines de millions d’euros en 2026 et des milliards en 2027”.

L’ancien Premier ministre Edouard Philippe (Horizons) devrait d’ailleurs s’y opposer: “On ne peut pas faire un compromis avec la vérité (…) il faut travailler plus. Donc une suspension de la réforme Borne, c’est non. Notre pays ne peut pas se le permettre.”

La prise de risque est également politique dans un pays dont le corps électoral penche à droite.

Le risque d’une alliance RN – LR

Les Républicains de Bruno Retailleau, qui ont fait exploser le gouvernement Lecornu, se distancieront de l’initiative. Le ministre de l’Intérieur sortant a déjà annoncé qu’il ne rentrait pas dans un tel gouvernement de gauche.

Surtout, Bruno Retailleau a affirmé qu’il ne participerait pas à un front républicain lors des prochaines élections. Suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, il y a un an, c’est un tel front qui avait empêché un raz de marée du RB.

Aujourd’hui, d’aucuns estiment qu’une alliance, objective ou réelle, entre le RN et LR n’est plus à exclure. Les prochaines élections présidentielles sont dans dix-huit mois et la France pourrait basculer.

Lors des derniers sondages, le RN était loin devant avec 33% des voix et LR remontait avec 12%.

Le camp macroniste cherche à gagner du temps, à remettre de l’ordre et à gérer. L’agenda judiciaire, avec la possible interdiction de Marine Le Pen à se présenter, jouera un rôle également. Mais la France, pays vital pour l’Europe, marche sur un fil.

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