Pourquoi la baisse des taux ne sert pas les intérêts de l’Ukraine

Russie Ukraine
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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La BCE est face à un dilemme : si elle baisse la rémunération de sa facilité de dépôt, les intérêts sur les avoirs russes gelés, qui sont destinés à l’Ukraine, vont baisser aussi.

On parle beaucoup de la baisse des taux. Si de nombreux acteurs l’attendent avec impatience, il y en a d’autres qui la voient venir en grimaçant. Et parmi ces derniers, il y a l’Ukraine.

Pour le comprendre, il faut se rappeler la problématique des avoirs russes gelés. Il y en a pour environ 300 milliards dont une grande partie se trouve en Belgique, dont une grande partie, qu’on estime à un peu plus de 190 milliards d’euros,  se trouve plus spécialement logée chez Euroclear, car ces avoirs sont des obligations (en euros, en livre sterlings, en dollars canadiens…) qui appartiennent aux réserves de la Banque de Russie.

 Saisir purement et simplement les avoirs russes pose des problèmes juridiques, financiers et stratégiques. Une des craintes est que la Russie et ses alliés puissent en rétorsion faire de même sur les avoirs occidentaux. Toutefois, un élément paraît assez clair : les intérêts générés sur l’argent liquide qui se trouve sur les comptes russes d’Euroclear peuvent être saisis, car ils n’appartiennent pas à la Russie. Pour le comprendre, il faut savoir qu’Euroclear ne rémunère pas les dépôts en liquide de ses clients. Or, le cash sur les comptes russes d’Euroclear augmente avec le temps, puisque les obligations détenues par la Russie génèrent des intérêts ou arrivent à échéance et sont remboursées en liquide. Et comme les comptes russes sont bloqués, ces remboursements et ces intérêts s’accumulent et Euroclear a donc le loisir de placer cette somme et de bénéficier d’une rémunération sur ces dépôts.

4% aujourd’hui, mais combien demain ?

 Quand nous l’avions interrogé voici quelques semaines, Nicolas Veron, senior fellow de l’institut de recherche Bruegel (Bruxelles) et du Peterson Institute for International Economics (Washington), estimait que sur les 191 milliards d’euros d’actifs russes gelés chez Euroclear, 130 milliards avaient désormais pris la forme d’argent liquide. Les occidentaux peuvent dès lors disposer de ces intérêts sur cet argent liquide comme ils veulent, et il y a consensus pour que cette rémunération soit versée à l’Ukraine.

Aujourd’hui, ces 130 milliards sont déposés auprès de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne. Ils génèrent donc des intérêts de 4% par an, soit 5,2 milliards d’euros si ce taux se maintient pendant douze mois. Mais justement, c’est là le problème :  si la BCE entame, comme on le prédit, une baisse des taux à partir dans un mois ou deux, alors, la rémunération de la facilité de dépôt baissera et ce sera moins d’argent pour aider l’Ukraine…

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