Pays le plus heureux du monde, la Finlande ne séduit pas les travailleurs étrangers
La Finlande truste le plus souvent le sommet des classements des pays où on est le plus heureux au monde. Pourtant, cela ne semble pas convaincre les travailleurs étrangers qui ne se pressent pas au portillon. Pour les séduire, elle sort désormais le grand jeu.
Même si la Finlande est le pays où les habitants sont les plus heureux au monde, elle ne fait pas moins face à une sérieuse crise démographique. Le pays ne compte que 5,5 millions d’habitants. Il a une population vieillissante et l’un des taux de fécondité les plus bas d’Europe (1,4 enfant par femme). Ce qui fait la croissance démographique est basé exclusivement sur l’immigration. Or il semble que les candidats à l’installation dans le pays ne soient pas suffisamment nombreux. Si le flux migratoire annuel net de la Finlande se maintient au niveau actuel de 15 000 personnes, la population du pays en âge de travailler connaîtra une baisse de 20 % d’ici 2070, a averti l’ETLA Economic Research, un institut de recherche économique.
Besoin de trois fois plus de migrants
La Finlande va même avoir besoin de trois fois plus d’immigrants que prévu pour stimuler la croissance et conserver son modèle social d’Etat providence selon le dernier rapport de ETLA intitulé « L’immigration et l’adéquation de la main-d’œuvre — Évaluation des effets économiques ».
Et elle ne va pas seulement avoir besoin d’immigrés hautement qualifiés, mais aussi de travailleurs moins instruits. De nombreux secteurs doivent faire face à une pénurie de main-d’œuvre à tout niveau, constate ainsi Pia Pakarinen, la directrice de la chambre de commerce d’Helsinki. «On a des besoins dans les secteurs de la technique, du commerce, l’administration, l’information et la technologie ou encore les data ». Mais les secteurs de l’industrie, la construction, les métiers agricoles et manuels seraient eux aussi en demande. La même enquête révèle aussi que « les travailleurs migrants travaillant à temps plein, y compris ceux qui sont faiblement rémunérés, ont un impact fiscal positif sur l’économie ».
De quoi remettre le sujet de la migration au centre de la campagne pour les élections d’avril. Il pourrait même être déterminant puisque, contrairement aux autres grands partis, le Parti des Finlandais, un parti nationaliste, n’autoriserait l’entrée dans le pays que de travailleurs qualifiés originaires de l’UE. Or il est actuellement troisième dans les sondages avec 18,4 %.
Une vaste campagne déjà en cours
La Finlande n’a cependant pas attendu les élections à venir pour s’attaquer au problème. Elle a lancé il y a déjà quelques années une vaste campagne pour séduire les expats et ainsi doubler le nombre de travailleurs étrangers d’ici 2030.
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Pour convaincre le reste du monde que le froid n’est qu’un détail, elle mise sur la qualité de vie et promet « des entreprises de pointe, une culture du travail collaboratif, peu de temps dans les transports et des matins sans stress ». Elle peut aussi se vanter d’un système éducatif qui bénéficie d’une réputation mondiale.
Le gouvernement a également mis en place des procédures d’immigration accélérées. En tant que pays membre de l’UE, la Finlande bénéficie du principe de mobilité de la main-d’œuvre. Depuis juin 2022, les entrepreneurs et les personnes hautement qualifiées peuvent obtenir un permis de résidence en 14 jours et depuis peu le délai pour obtenir un permis serait de maximum un mois pour tous les candidats. Pour simplifier encore la paperasse, tous les formalités et services sont centralisés en un endroit, la International House Helsinki.
Mais ce sont surtout les entrepreneurs qui sont particulièrement choyés, car la création d’entreprise y est facile, les taux d’imposition peu élevés et les financements importants. Enfin, beaucoup se fait en anglais. Les travailleurs ne sont pas les seuls visés puisque l’ambition est aussi d’attirer des étudiants internationaux. Enfin, de façon plus anecdotique, elle a aussi mis en place le 90 Day Finn qui permet pendant trois mois à une quinzaine d’entrepreneurs, cadres, chercheurs et investisseurs de tester la vie façon Finlande. En moyenne, la moitié décide de rester après l’expérience.
Une réalité moins rose
Dans la réalité, sur le marché du travail et surtout pour les métiers en contact avec la population, l’anglais ne suffit pas toujours et le finnois n’est pas une langue simple à maîtriser même si les pouvoirs publics proposent aux immigrants et à leur famille des cours de langue gratuits ou très bon marché.
Et puis tous les étrangers ne sont pas logés à la même enseigne. Ainsi selon l’organisme de recherche indépendant E2, 39% des étrangers installés en Finlande estiment avoir fait l’objet de discrimination sur le marché du travail, en raison de la langue (65%), la nationalité (47%) et l’origine ethnique (28%). Pour les PME hésitant encore souvent à employer des étrangers, le Ministère de l’Économie et du Travail espère contourner le problème en proposant une subvention de 20 000 euros aux entreprises recrutant un employé étranger chargé de conquérir de nouveaux marchés. Un financement qui passera à 50 000 euros en 2023.
C’est mieux, mais toujours pas assez
Les efforts semblent cependant payer à en croire une enquête menée par l’institut ETLA Economic Research. Entre 2010 et 2020, la part des travailleurs étrangers sur le marché du travail finlandais a presque doublé. Mais c’est loin d’être suffisant. Ainsi toujours selon l’ETLA Economic Research, la Finlande doit augmenter sans attendre 2030 son immigration nette annuelle à 44 000 personnes si elle veut s’assurer un avenir toujours aussi heureux. Soit le double du niveau actuel.
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