Meloni, l’une des seules dirigeantes d’Europe à sortir renforcée des Européennes

La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, est sortie renforcée du scrutin européen, tant à Rome qu’à Bruxelles. C’est l’une des seules à réellement sortir son épingle du jeu et à avoir été récompensée par les électeurs, un contraste frappant avec les dirigeants de la France et de l’Allemagne.

Giorgia Meloni, qui dirige l’Italie depuis octobre 2022, avait fait de cette élection européenne un référendum sur sa personne. Elle était la tête de liste et avait même demandé aux électeurs d’écrire simplement “Giorgia” sur leur bulletin. Son slogan de campagne pour les élections européennes était « L’Italie change l’Europe », avec pour message de fond que l’Italie, c’était elle. Cette personnification extrême a payé. Fratelli d’Italia (Frères d’Italie), la formation post-fasciste de Giorgia Meloni, est arrivé en tête avec près de 29 % des voix.

Cette performance est néanmoins légèrement ternie par un taux de participation de 49,69 %, le plus bas jamais enregistré en Italie pour des Européennes. A cela s’ajoute aussi le score de 24 % des seconds, le Parti Démocratique (PD) de centre-gauche d’Elly Schlein. Ce dernier montre que l’Italie est un pays plus divisé que Meloni ne voudrait le faire croire. Qu’importe, ce double constat n’enlève pas grand-chose au fait que les électeurs italiens ont clairement montré qu’ils apprécient la politique de droite de Giorgia Meloni.

Rester fréquentable

Arrivée au pouvoir en octobre 2022 avec près de 200 milliards d’euros d’aide et de prêts européens au titre du plan de relance post-pandémie, Giorgia Meloni a réussi à maintenir un consensus sur sa personne, grâce entre autres aux divisions de ses opposants et en prenant garde de ne pas s’attaquer de front à des droits fondamentaux comme l’avortement. Elle veille avec une prudence de sioux à rester fréquentable.

La Première ministre italienne ne cache pas non plus sa fierté d’être sortie par le haut d’un scrutin où les autres dirigeants des grands pays européens, notamment le Français Emmanuel Macron et l’Allemand Olaf Scholz, sont sortis très affaiblis. Les dirigeants des premières et deuxièmes économies de l’Europe ont subi une défaite dimanche soir. En Allemagne, le chancelier Olaf Scholz s’est fait dépasser par l’extrême droite AfD, et en France, le président Emmanuel Macron a été défait face au tsunami Rassemblement National de Jordan Bardella et Marine Le Pen. L’Italie est la troisième économie de la zone euro, et la défaite des deux premiers rend la victoire de Meloni encore plus importante. De quoi aussi faire un sujet de conversation pour la prochaine réunion du G7 qui aura lieu de jeudi à samedi dans les Pouilles (sud).

“Dans la cour des grands”

Sa progression par rapport aux Européennes de 2019 est impressionnante : Fratelli d’Italia n’avait alors rassemblé que 6,44 % des voix. Ce résultat devrait permettre à Mme Meloni de renforcer son poids à Bruxelles, où elle est déjà parvenue à imposer certains de ses thèmes de prédilection, comme la lutte contre les arrivées de migrants en Europe. Contrairement à son allié, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, elle a aussi réussi à s’imposer comme une interlocutrice de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, notamment grâce à son positionnement pro-ukrainien. Celle qui a longtemps dénigré l’Union européenne s’est muée en interlocutrice constructive.

Giorgia Meloni © getty

En restant proche de Von der Leyen, elle pourra, qui sait, obtenir un portefeuille important dans la nouvelle Commission européenne en échange d’un éventuel soutien. En agissant ainsi, Meloni s’assure, pour elle et pour l’Italie, encore plus de poids politique. Elle veut également utiliser son influence en Europe pour peser sur la politique migratoire européenne de plus en plus stricte. Von der Leyen devra de toute façon désormais tenir compte de Meloni, vu son poids politique accru au Conseil européen en tant que Première ministre d’un important État membre et économie européenne.

Une alliance avec Le Pen ?

Au Parlement européen, Fratelli d’Italia fait partie du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), aux côtés notamment du parti espagnol d’extrême droite Vox et du petit parti français Reconquête. L’autre groupe d’extrême droite, Identité et Démocratie (ID), comprend la Ligue et le Rassemblement National de Marine Le Pen, qui a remporté une victoire historique en France. Le rapprochement de ces deux groupes reste très incertain en raison de leurs importantes divergences, en particulier sur la Russie. “Je ne pense pas que Meloni veuille revenir travailler avec des personnes comme Le Pen”, analyse pour l’AFP Daniele Albertazzi, du groupe de réflexion “Centre for Britain and Europe”. “Je pense qu’elle essayera de jouer dans la cour des grands et se concentrera sur le PPE”, ajoute l’analyste, pour qui “Meloni veut être vue votant pour le prochain président de la Commission”.

Quitte à jouer un double jeu pour s’installer au sommet du pouvoir européen. Car « Giorgia » ne s’en cache pas : elle espère amener, de l’intérieur, l’Europe à « changer d’identité », précise Le Monde. Tout plutôt que de voir l’Europe changer son Italie.

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