L’heure de vérité pour Ursula von der Leyen

Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, lors de son discours sur l'Etat de l'Union, le 13 septembre 2023 à Strasbourg. © Getty images

Ursula von der Leyen réussira-t-elle à remporter le soutien nécessaire pour un second mandat à la tête de la Commission européenne? Les 720 députés du Parlement européen répondront à cette question ce jeudi lors d’un vote à Strasbourg. Le suspense reste entier à la veille de la première session plénière de la législature.

L’Allemande a été proposée fin juin par les chefs d’État et de gouvernement de l’UE pour un second mandat de cinq ans à la tête de l’exécutif européen. Mais les eurodéputés ont le dernier mot. Ils décideront jeudi à 13h00 s’ils la soutiennent ou non, lors d’un vote à bulletin secret. Vers 14h45, on devrait apprendre si la sexagénaire a remporté la majorité absolue de 361 voix nécessaires.

Cela ne va pas de soi. En 2019, elle n’avait été élue qu’à neuf voix près. De nombreux eurodéputés s’étaient alors insurgés qu’Ursula von der Leyen ait été sortie du chapeau des chefs d’Etat alors qu’elle n’avait joué aucun rôle dans la campagne électorale. La situation est différente cette fois: Von der Leyen était la tête de liste du Parti populaire européen (PPE) lors de la campagne qui a précédé les élections de juin, et son parti est arrivé premier.

Trois familles politiques traditionnelles

Ursula von der Leyen souhaite baser sa coalition sur les trois familles politiques traditionnelles, même si le PPE (conservateurs, 188 sièges), les socialistes S&D (136 sièges) et les libéraux de Renew (77 sièges) ont une majorité moins large que lors de la précédente législature. Ils disposent ensemble de 401 sièges sur 720. Dans un parlement national, cela suffirait amplement pour former une majorité, mais à Strasbourg, la discipline de groupe est mois forte et il faut prendre en compte les voix dissidentes. Au sein du PPE, par exemple, les Républicains français ne comptent pas la soutenir. 

Dans sa quête de soutiens ces dernières semaines, Mme Von der Leyen s’est adressée à de nombreux groupes politiques, délégations de partis nationaux et députés européens. Ils lui ont présenté toutes sortes de souhaits. Même le S&D et Renew ont annoncé qu’ils ne lui signeraient pas un “chèque en blanc”. Les sociaux-démocrates insistent sur l’importance de logements abordables et d’une nouvelle capacité d’investissement; les libéraux demandent une politique de défense ambitieuse et des réformes institutionnelles pour renforcer l’influence de l’UE. De nombreux députés demandent également à Mme Von der Leyen et à sa Commission de rendre des comptes plus souvent qu’elles ne l’ont fait au cours des cinq dernières années. 

Pour obtenir des voix supplémentaires, Ursula von der Leyen a noué des contacts avec les Verts (53 sièges) et le groupe d’extrême droite ECR (78 sièges). Les écologistes sont prêts à apporter leur aide, mais en échange, ils demandent notamment à Mme Von der Leyen de poursuivre le Pacte vert. Cela n’est pas du goût d’une partie du PPE, qui souhaite assouplir la sortie des voitures à essence et diesel à partir de 2035. De leur côté, les groupes S&D, Renew et les Verts ne veulent pas que l’Allemande fasse affaire avec ECR. Ce groupe laisse le choix à ses membres, mais les 30 députés du PiS polonais, les députés français et l’AUR roumain ont déjà dit qu’ils ne la soutiendraient pas. Et il reste à voir ce que fera Fratelli d’Italia: Giorgia Meloni, Première ministre et présidente du parti, s’est abstenue de voter en faveur de la candidature de Mme Von der Leyen au sommet européen de fin juin.

Cordon sanitaire

Toutes ces négociations ne portent pas seulement sur les politiques de fond, mais aussi sur la répartition des portefeuilles au sein de la nouvelle Commission. D’aucuns seront attentifs à comment Mme Von der Leyen conciliera tous ces desiderata dans le discours qu’elle prononcera jeudi dans l’hémicycle avant le vote. Mais quelle que soit sa vision pour les cinq prochaines années, elle ne doit pas s’attendre à être sauvée par l’extrême gauche (46 sièges) et les groupes d’extrême droite Europe des nations souveraines (25 sièges) et Patriotes pour l’Europe (84 sièges). Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, inspirateur des Patriotes, a été le seul chef de gouvernement à voter contre la nomination de Von der Leyen. Si cette dernière n’obtient pas 361 voix, les chefs de gouvernement devront proposer un nouveau candidat dans un délai d’un mois. 

Avant l’élection de la présidente de la Commission, le Parlement se préoccupera principalement de son organisation interne. Mardi matin à 10h00, les députés éliront le président ou la présidente du Parlement. Les grands groupes se sont mis d’accord pour que la Maltaise Roberta Metsola (PPE) puisse siéger dans ce fauteuil pour deux ans et demi supplémentaires. Suivra l’élection des 14 vice-présidents et des cinq questeurs. Potentiellement, ces postes seront répartis entre les groupes politiques selon le système imaginé par le Belge Victor D’Hondt au 19e siècle. Cependant, lors du vote, les partis pro-européens entourent traditionnellement les candidats d’extrême-droite d’un cordon sanitaire.

C’est ce qui devrait à nouveau se produire la semaine prochaine. “Nous discutons avec le S&D et Renew de l’application du cordon sanitaire contre les candidats nommés par l’extrême droite ou les amis de Poutine”, a confirmé le porte-parole du PPE. “Nous faisons cela parce qu’il s’agit de postes élus et que nous ne voulons pas que ces députés représentent l’institution”. Avec les Patriotes, un groupe d’extrême droite devient pour la première fois le troisième de l’hémicycle. Le groupe décidera lundi s’il nomme des candidats.

ECR décidera également lundi de ses candidats, mais aucun cordon ne sera appliqué à ce groupe en principe. La perspective qu’un membre de Fratelli d’Italia devienne président de la commission des libertés civiles, dont les matières incluent l’État de droit et la protection des minorités, a toutefois suscité des réticences. Par conséquent, un accord est en cours pour transférer la direction de cette commission au PPE. En échange, ECR obtiendrait la commission de l’agriculture. Ce groupe pourrait également récupérer la commission du budget, dirigée par Johan Van Overtveldt (N-VA) depuis cinq ans. La direction de ces commissions et d’autres sera votée au cours de la semaine du 22 juillet. Les Patriotes auraient également droit à deux présidents de commission, selon la clé d’Hondt.

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