L’Europe pourrait perdre 33 milliards d’exportation cette année

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le dernier rapport d’Allianz Trade montre que la guerre commerciale enclenchée par les Etats-Unis a déjà un impact majeur, avec une baisse des exportations mondiales de 305 milliards de dollars cette année et 291 milliards l’an prochain.

Le désordre mondial causé par Donald Trump commence à faire mal. Alors que les Etats-Unis, avec une baisse de 0,3% du PIB américain au premier trimestre, le dernier rapport sur le commerce mondial que vient de publier Allianz Trade, montre que les perspectives des exportateurs mondiaux se sont nettement assombries. Cette étude, menée auprès de 4 500 entreprises dans 9 pays représentant 60 % du PIB mondial (Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Pologne, France, Espagne, Chine, Etats-Unis et Singapour), reflète l’impact des nouveaux tarifs douaniers américains imposés le 2 avril et les menaces de taxes supplémentaires sur les produits européens.

« Le nombre d’exportateurs dans le monde entier qui tablaient encore sur une croissance de leur chiffre d’affaires au début de l’année a diminué de moitié (il passe de 80 % à 40 %). Près de la moitié des exportateurs prévoient une baisse du chiffre d’affaires de 2 à 10 %. Au début de l’année, seuls moins de 5 % d’entre eux nourrissaient cette crainte », souligne Allianz Trade dans un communiqué.

Une perte mondiale de 305 milliards

Dans l’ensemble, les pertes d’exportation mondiales pourraient atteindre jusqu’à 305 milliards de dollars cette année et 291 milliards de dollars en 2026.

Le choc serait particulièrement dur à encaisser pour la Chine qui, en sa qualité de principal fournisseur des États-Unis, pourrait devoir digérer cette année des pertes d’exportation pouvant atteindre 108 milliards de dollars, soit 0,5 % de son PIB, principalement dans les secteurs des machines et équipements (20 milliards de dollars), des appareils électroménagers (18 milliards de dollars) et des ordinateurs et télécommunications (9,5 milliards de dollars), avec des risques supplémentaires dans les textiles, l’électronique et les produits chimiques.

L’impact est aussi sensible en Europe, qui pourrait perdre 33 milliards de dollars à l’export, dont 9 milliards pour l’Allemagne, particulièrement dans l’automobile et la construction mécanique. « Notre étude montre que plus de la moitié des exportateurs s’attendent à des délais de paiement plus longs. Selon eux, le risque de défauts de paiement va également s’accroître. Une telle incertitude a des conséquences néfastes sur un environnement commercial sain», souligne Johan Geeroms, Director Risk Underwriting Benelux chez Allianz Trade. Il entrevoit toutefois une lueur d’espoir : « L’augmentation prévue des dépenses pour la défense stimulera la croissance économique en Europe. Surtout si, par exemple, 50 % des investissements en la matière reviennent à des entreprises européennes. Ce scénario pourrait entraîner un point de pourcentage supplémentaire de croissance du PIB pour certains pays. »

Découplage US-Chine

Aylin Somersan Coqui, CEO d’Allianz Trade souligne que cette fragmentation croissante du commerce mondial, exacerbée par le Liberation Day, le 2 avril dernier, jour où Donald Trump a annoncé ses tarifs douaniers. Les entreprises réagissent en diversifiant leurs chaînes d’approvisionnement et leurs marchés, avec 62 % des firmes américaines explorant de nouvelles routes maritimes pour réduire les coûts. Par ailleurs, 54 % des entreprises prévoient d’augmenter leurs prix aux États-Unis, tandis que d’autres intègrent des clauses de partage des risques dans leurs contrats », dit-il.

Le découplage entre les États-Unis et la Chine s’intensifie, avec une chute des intentions d’exportation des entreprises américaines vers la Chine (de 20 % à 10 %) et des exportateurs chinois vers l’Amérique du Nord (de 15 % à 3 %).

L’Europe et l’Amérique latine gagnent en attractivité : l’Amérique latine attire les entreprises chinoises (+10 points, de 5 % à 15 %) et européennes (+6 points, de 4 % à 10 %), parce que la région est considérée comme un accès à moindre coût au marché américain et que les relations avec l’Union européenne ont été renforcées, notamment avec la signature de l’accord Mercosur.

Attractivité européenne

Quant à l’attractivité de l’Europe pour les investisseurs, elle s’exprime notamment par un regard plus appuyé des investisseurs chinois en direction du vieux continent. « La guerre commerciale favorise un « friendshoring »(relocalisation amicale) opportuniste et un rapprochement entre l’Europe et l’Asie », note Allianz Trade. Après le « Liberation Day », lorsqu’on leur a demandé quelles régions offraient les meilleures opportunités d’exportation, environ un quart des entreprises chinoises ayant des chaînes d’approvisionnement en Amérique du Nord ont choisi l’Europe (contre environ 15 % avant le « Liberation Day »).

Les entreprises européennes manifestent également un intérêt croissant pour les exportations vers la Chine et l’Asie : entre le début de l’année et aujourd’hui, les intentions d’exportation ont augmenté de 6 points de pourcentage (de 30 % à 36 %), et l’intérêt pour les marchés de l’Asie du Sud et du Sud-Est a doublé (de 7 % à 14 %), alors que les liens commerciaux dans la région se renforcent avec davantage d’accords de libre-échange. Une augmentation similaire des préférences est observée en matière d’exposition des chaînes d’approvisionnement. Après le « Liberation Day », moins d’entreprises allemandes ayant des sites de production ou des fournisseurs en Chine envisageaient de se relocaliser ailleurs (50 % contre 67 % avant le « Liberation Day »), et l’Asie-Pacifique est devenue la destination privilégiée (43 % contre 28 % avant le « Liberation Day ») pour les entreprises allemandes ayant une exposition actuelle aux chaînes d’approvisionnement en Amérique du Nord.

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