L’étrange présence d’Yves Leterme à Pékin aux côtés de Xi, Poutine et Kim

Leterme à Pékin © Getty
Muriel Lefevre

La présence d’Yves Leterme à la parade militaire géante de Pékin, aux côtés de Vladimir Poutine et Kim Jong-un, n’est pas passée inaperçue. Mais que faisait donc l’ancien Premier ministre belge sur la tribune officielle ?

L’image a de quoi surprendre : Yves Leterme, installé parmi les dignitaires aux côtés de Poutine et Kim, assistant au défilé militaire marquant le 80ᵉ anniversaire de la victoire chinoise sur le Japon. On le voit même serrer la main du président chinois Xi Jinping. Aux côtés des 16 chefs d’État présents, il figurait dans une délégation plus large de personnalités jugées stratégiques par Pékin.

Une présence pleinement assumée. Leterme avait prévenu l’ambassadeur de Belgique à Pékin et justifie sa démarche : « Je comprends que l’Europe ne puisse pas être officiellement représentée, mais elle doit éviter la logique des blocs et maintenir ouverts tous les canaux de dialogue avec la Chine. Avec le Club de Madrid – une organisation influente qui rassemble plus de cent anciens chefs d’État et de gouvernement, dont une dizaine étaient présents à la parade –, nous travaillons dans ce sens », expliquait-il dans De Tijd.

Un ami de la Chine

Pour Pékin, sa présence vaut comme une carte de prestige : celle d’un ex-dirigeant européen qualifié d’« ami de la Chine ». Les bonnes relations de Leterme avec les autorités chinoises expliquent pourquoi Pékin l’a invité à cette cérémonie symbolique.

Car ces liens ne datent pas d’hier.  Leterme a travaillé comme consultant pour Huawei il y a quelques années et, depuis 2019, il est coprésident du conseil d’administration de ToJoy, un puissant fonds d’investissement chinois qui aide les entreprises étrangères à pénétrer le marché chinois… et les sociétés chinoises à se développer à l’international.

Et fin 2023, il plaidait, dans une longue interview accordée à la télévision d’État chinoise, pour une coopération beaucoup plus étroite entre la Chine et l’Occident ( à découvrir ici)

Critiques

Une position qui lui vaut une réelle crédibilité à Pékin, mais aussi de vives critiques en Europe, où certains dénoncent la frontière de plus en plus floue entre politique et affaires. Une résolution du Parlement européen sur l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques avait d’ailleurs pris son travail pour ToJoy comme exemple.

Depuis 2018, Huawei est également dans le collimateur de multiples enquêtes, notamment pour des soupçons de corruption de parlementaires européens. Leterme n’a toutefois jamais été visé par ces investigations et précise qu’il n’a jamais eu pour mission d’approcher des responsables politiques.

Softpower

Au-delà de l’anecdote, la scène illustre la stratégie de soft power déployée par Pékin. La Chine cherche désormais à séduire et s’entoure d’anciens dirigeants occidentaux pour renforcer sa légitimité et accroître son attractivité économique. Dans ce jeu d’influence, Leterme incarne une Europe partagée entre prudence géopolitique et attrait des opportunités de marché. Son cas illustre une évidence déjà bien connue des entreprises : sur le plan économique, fermer la porte à la Chine n’est tout simplement pas une option.

Peu de dirigeants européens en exercice avaient fait le déplacement, mais de nombreux anciens chefs de gouvernement étaient présents : l’ex-président suisse Ulrich Maurer, l’ancien Premier ministre japonais Yukio Hatoyama, l’ex-Premier ministre grec George Papandreou ou encore l’Italien Massimo D’Alema. La liste complète des invités a été publiée par le ministère chinois des Affaires étrangères.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire