Le salon du Bourget s’est ouvert lundi matin dans un climat tendu, marqué par la décision du gouvernement français de condamner les stands de plusieurs industriels israéliens de l’armement, sur fond de guerre à Gaza et de conflit avec l’Iran.
Cette décision a éclipsé l’annonce de la première commande commerciale du salon, signée par Airbus : 40 appareils commandés par un loueur saoudien. Dans le même temps, son concurrent américain Boeing s’est montré particulièrement discret, après le crash meurtrier d’un 787 d’Air India en Inde la semaine précédente.
Les stands d’Israel Aerospace Industries (IAI), Rafael, Uvision, Elbit et Aeronautics ont été recouverts de hautes bâches noires, rendant les espaces inaccessibles, ont constaté des journalistes de l’AFP. Selon une source française proche du dossier, ces entreprises présentaient des armements offensifs susceptibles d’être utilisés à Gaza, en violation des conditions préalablement établies avec les autorités israéliennes.
Dans un communiqué, le gouvernement israélien a dénoncé une décision “scandaleuse et sans précédent”, accusant la France de pratiquer une forme de “ségrégation” à l’encontre des exposants israéliens.
Une représentante israélienne a inscrit à la craie sur la bâche du stand Rafael que ces systèmes “protègent actuellement l’État d’Israël”, affirmant que “le gouvernement français, au nom de la discrimination, essaie de vous les cacher”.
Même réduite, la présence d’Israël, acteur majeur des technologies militaires aérospatiales, constituait déjà un point de tension. L’État hébreu poursuit actuellement son offensive à Gaza, à la suite de l’attaque du Hamas en octobre 2023, et a récemment mené des frappes massives contre l’Iran, qui a répliqué.
Le tribunal judiciaire de Bobigny a rejeté mardi la requête d’associations demandant l’exclusion des entreprises israéliennes du salon, au nom du risque de perpétuation de “crimes internationaux”.
Par ailleurs, les élus de Seine-Saint-Denis ont boycotté la visite inaugurale du Premier ministre François Bayrou lundi matin, un geste symbolique de protestation contre la présence des exposants israéliens.
Airbus annonce une première commande
Reléguée au second plan, la première annonce commerciale du salon est pourtant de taille : le loueur saoudien AviLease a signé une commande ferme portant sur dix Airbus A350F (version cargo long-courrier) et trente A320neo, la version monocouloir à succès du constructeur européen.
Habituellement théâtre d’une rivalité spectaculaire entre Boeing et Airbus à coups de méga-contrats, le salon du Bourget, organisé tous les deux ans au nord de Paris, se déroule cette année dans une ambiance assombrie. Boeing a choisi de limiter sa présence commerciale à la suite du récent crash en Inde, qui a fait au moins 279 morts.
“Nous nous concentrons sur le soutien à nos clients, plutôt que sur des annonces de commandes”, a déclaré lundi une porte-parole de Boeing à l’AFP. Le directeur général de l’entreprise, Kelly Ortberg, a lui-même annulé sa venue pour rester aux côtés de ses équipes et suivre l’enquête en cours.
Une édition marquée par les conflits
Le drame aérien en Inde ajoute à une édition déjà dominée par les tensions internationales, tant militaires que commerciales. “On a tous le moral à zéro”, a confié à l’AFP un acteur du secteur.
François Bayrou a ouvert le bal des visites officielles, sur un site de 70 hectares — soit l’équivalent de 100 terrains de football. Lors d’une table ronde consacrée à l’espace, il a plaidé pour une approche collective : “Relevons les défis ensemble, et non les uns contre les autres, dans un moment où jamais le monde n’a été aussi perturbé et déstabilisé.”
Défense, stratégie spatiale et féminisation au programme
Dans un contexte de guerre en Ukraine et d’efforts européens pour renforcer leur souveraineté stratégique, les enjeux de défense occupent une place centrale au salon.
Autre sujet sensible : les tensions commerciales mondiales, exacerbées depuis avril par les mesures protectionnistes du président américain Donald Trump, qui menacent une industrie aéronautique fortement dépendante de chaînes d’approvisionnement globalisées.
Enfin, la féminisation du secteur sera l’un des axes majeurs de cette édition. Le vendredi, jour d’ouverture au grand public, sera dédié aux femmes, dans une volonté de promouvoir la mixité dans les métiers de l’aéronautique et de l’espace.
Le même jour, le président Emmanuel Macron est attendu pour prononcer un discours sur la nouvelle stratégie spatiale française.