Les projets de Kamala Harris critiqués : “Le contrôle des prix a été tenté, que cela soit par Mao Zedong, Lénine, Joseph Staline, Fidel Castro et Nicolas Maduro”

© belga
Jozef Vangelder Journaliste chez Trends Magazine

Avec ses intentions de lutter contre l’érosion du pouvoir d’achat et d’offrir des subventions aux jeunes familles, Kamala Harris, candidate démocrate à l’élection présidentielle, veut rendre la vie plus abordable à tous les Américains. Une mesurette de rien du tout, selon le politologue John Hulsman. « Ce qui aiderait vraiment les Américains, c’est un budget équilibré. »

Lors de leur convention qui s’est tenue cette semaine à Chicago, les démocrates ont officiellement intronisé Kamala Harris en tant que candidate à la présidence. Mais si Mme Harris remporte cette bataille électorale, quels sont ses projets pour l’économie ?

Fin de l’année passée, la vice-présidente des États-Unis avait déjà donné un aperçu de la situation, qui n’est pas passé inaperçu. Les « prix abusifs » (une augmentation excessive des prix, en particulier dans l’alimentation et les carburants ) seront pénalisés, les familles avec enfants bénéficieront d’allègements fiscaux et ceux qui achètent leur première maison pourront compter sur un coup de pouce de 25 000 dollars. Tout cela devrait donner une bouffée d’oxygène au budget des familles américaines. « Donald Trump veut défendre les milliardaires et les grandes entreprises, moi je me battre pour la classe moyenne américaine », a déclaré Mme Harris dans son discours de la semaine dernière.

Les projets de Mme Harris ne mesurent rien, juge John Hulsman, fondateur et associé directeur de John C. Hulsman Enterprises, une société de conseil spécialisée dans les risques géopolitiques. Il abhorre en particulier son projet de répression des « prix abusifs ». En effet, les supermarchés qui pratiquent des prix excessifs se verront infliger des amendes par la Federal Trade Commission, l’organisme gouvernemental chargé de défendre les intérêts des consommateurs et le libre marché.

« Le contrôle des prix a été tenté tant de fois par le passé, que cela soit par Mao Zedong, Vladimir Lénine, Joseph Staline, Fidel Castro et Nicolas Maduro. À chaque fois, le résultat a été catastrophique : on observe l’apparition de comportements de thésaurisation, de pénuries et du marché noir. Quiconque a suivi un cours d’économie de base le sait. Ce n’est pas à Washington DC de dire à Kroger (une chaîne de supermarchés américaine, ndlr) dans l’Ohio quel est le juste prix du lait ».

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Définir un juste prix n’est déjà pas une tâche facile.

JOHN HULSMAN. « En effet. Quel critère la Commission fédérale du commerce utilisera-t-elle à cet effet ? Et ce qui est étrange, c’est que les bénéfices du commerce de détail américain sont très faibles, avec des marges d’à peine 1 à 3 %. Cela montre à quel point les démocrates ne connaissent pas le fonctionnement de l’économie. Kamala Harris a travaillé toute sa vie pour le gouvernement, jamais pour le secteur privé. Elle n’a même jamais tenu un stand de limonade. Toutefois, le manque de connaissances économiques n’est pas un trait caractéristique des démocrates. On ne peut pas en accuser Bill Clinton. Mais avec ses propositions, Mme Harris se place à la gauche de dirigeants démocrates comme Franklin Roosevelt, Harry Truman et John Kennedy. Les Européens sont obsédés par le populisme du parti républicain, mais sur la tendance socialiste des démocrates, ils ne posent apparemment pas de questions ».

Harris veut faire baisser l’inflation. Les Américains ont-ils vraiment tant de mal à payer leurs factures ?

HULSMAN. « Oui, c’est vrai. Cela sera le cheval de bataille de Harris. Beaucoup d’Américains ne peuvent plus s’offrir un Happy Meal au McDonald’s, alors qu’ils pouvaient le faire avant le covid. L’inflation ne s’explique pas par les méchants capitalistes qui pratiquent des prix exorbitants, mais par le gouvernement qui a dépensé l’argent sans compter depuis la pandémie. L’inflation est aujourd’hui bien plus faible que le pic de 9,1 % atteint en juin 2022. Mais c’est un peu comme si une personne pesant 100 kilos prenait 10 kilos la première année en mangeant trop – comme Joe Biden a, quant à lui, dépensé trop d’argent -, puis mangeait moins l’année suivante ne prenait alors que 4 kilos, finalement mangeait encore moins la troisième année et ne prenait plus 2 kilos. Le résultat final est toujours un poids de 116 kilos. C’est également ainsi que fonctionne l’inflation aux États-Unis. Les démocrates tentent désespérément de désamorcer le problème, mais les Américains n’y croient pas. Si la campagne électorale tourne autour du fond, les démocrates perdront. Si la campagne s’articule autour de personnalités qui ne veulent pas à répondre aux questions difficiles des médias américains, les démocrates gagneront.

Les personnes qui achètent leur premier logement bénéficient d’une aide de 25 000 dollars. Qu’en pensez-vous ?

HULSMAN. « Cela fait partie du plan visant à corrompre différentes parties de l’électorat américain. Pourquoi les démocrates tiennent-ils tant à annuler la dette des étudiants, par exemple ? Parce que les jeunes sont plus susceptibles de voter pour les démocrates, mais qu’ils sont moins nombreux à se rendre au bureau de vote. Il faut donc leur donner une raison de venir voter. Mais rien n’est gratuit. Les subventions proviennent de l’argent des impôts des travailleurs et vont être attribuées à d’autres groupes, à des fins électorales. C’est aussi ce qui explique cette aide de 25 000 dollars pour la construction d’une maison. Quel en serait le résultat dans un système capitaliste ? Les vendeurs de maisons augmenteront leur prix de 25 000 dollars et le gouvernement compensera la différence. Quiconque connaît la loi élémentaire de l’offre et de la demande le sait. Il est effrayant de constater que les démocrates ne connaissent apparemment plus cette loi ».

Les familles avec enfants devront payer moins d’impôts, jusqu’à 6 000 dollars de moins au cours de la première année de l’enfant.

HULSMAN. « Vous pouvez utiliser le système fiscal pour aider les personnes ayant des enfants, mais pas avec une allocation générale. Cet outil est trop émoussé. Il faut un scalpel, comme la déductibilité fiscale des frais de garde d’enfants, pour que les femmes puissent reprendre le travail. La proposition de Mme Harris revient une fois de plus à donner de l’argent, mais comme un marin ivre. Le comportement fiscal du gouvernement américain est irresponsable. Actuellement, le dollar se maintient parce qu’aucune autre monnaie ne peut le remplacer. Mais vous connaissez la citation d’Ernest Hemingway : “How did you go bankrupt? Two ways. Gradually, then suddenly.” (« Comment avez-vous fait faillite ? De deux façons. Graduellement, puis soudainement ».)

Harris obtiendra-t-elle le financement de ses projets ?

HULSMAN. « Elle peut soit augmenter les impôts, soit creuser encore plus le déficit budgétaire, mais ces deux solutions ont leurs limites. En attendant, le budget américain a atteint le point où les charges d’intérêt dépassent les dépenses de défense. Pour une puissance mondiale, ce n’est vraiment pas bon ».

Mme Harris s’oppose à l’augmentation des taxes sur les importations de Donald Trump au motif qu’ils sont inflationnistes. N’a-t-elle pas raison ?

HULSMAN. « L’effet inflationniste des taxes sur les importations devrait en tout cas faire partie de ses connaissances de base. Mais ce qui est déprimant, c’est que les démocrates sont en fait tout aussi protectionnistes que les républicains. À cela s’ajoute le fait qu’aucun des deux partis ne fait preuve d’un minimum de responsabilité budgétaire. Ils accumulent les ennuis à long terme. »

Les projets de Mme Harris ciblent la classe moyenne. Est-ce la bonne stratégie politique ?

HULSMAN. « Oui, en tout cas si elle pense que tous ces cadeaux aideront la classe moyenne. Ce qui aiderait vraiment les Américains, c’est un budget équilibré. L’économie redémarre alors, les entreprises se portent bien et les marchés obligataires se maintiennent. C’est ce qui s’est passé sous la présidence du démocrate Bill Clinton. Lui et son secrétaire au Trésor Robert Rubin étaient des républicains à la manière du général américain Dwight Eisenhouwer : ne pas faire la guerre, mais équilibrer le budget. C’est bien mieux que des subventions insoutenables qui conduisent le pays à la faillite. L’administration américaine actuelle ne vaut pas mieux qu’un gouvernement social-démocrate boiteux européen. Heureusement, il reste les 335 millions de citoyens américains. Leur dynamisme alimente une croissance économique que l’Europe n’a pas connue depuis longtemps. Laissons l’esprit américain faire son œuvre. Et surtout, que Kamala Harris lise un manuel d’économie ».

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