Les fabuleuses ressources en lithium de la République Tchèque: entre opportunité et malédiction
En République Tchèque, le débat fait rage autour de l’exploitation de l’une des plus grandes réserves de lithium d’Europe. Alors que l’Union européenne vise à réduire sa dépendance envers la Chine, cette mine symbolise l’équilibre délicat entre impératifs stratégiques et préoccupations environnementales. Une balance qui penche chaque jour un peu plus vers les premiers.
En République Tchèque, l’exploitation d’une vaste réserve de lithium dans la région d’Ústí nad Labem provoque de nombreux remous. Avec un gisement d’environ 7 millions de tonnes de lithium, elle a de quoi attirer les convoitises bien au-delà de ses frontières. De quoi aussi en faire le symbole d’une question qui dépasse l’histoire locale. L’Union européenne, dans le cadre de sa transition énergétique visant à réduire la dépendance à la Chine, voit dans cette mine une opportunité majeure. Actuellement, 97 % du lithium utilisé en Europe provient de Chine, ce qui pose des risques stratégiques similaires à la dépendance passée au gaz russe.
Une loi et des conséquences
Pour tenter de contrer cette tendance, l’UE a mis en place en ce mois de mai la loi sur 17 matières premières critiques (comme le cobalt, le cuivre et le lithium), visant à produire au moins 10 % de sa consommation annuelle de métaux stratégiques d’ici 2030 sur son propre territoire et à traiter 40 % de ces métaux à l’intérieur de l’Union. De plus, aucun pays tiers (par exemple la Chine) ne doit être responsable de plus de 65 % de l’approvisionnement annuel d’une matière première importante pour l’UE. Ce projet minier en République Tchèque symbolise aussi un défi plus large auquel l’Europe est confrontée. Elle doit équilibrer les besoins stratégiques en matières premières critiques avec les préoccupations environnementales et sociales locales. Or dans la région on ne sait que trop bien les ravages que peuvent causer les mines. Malgré qu’elles aient fermé en 1993, elle reste marquée par les exploitations de houille sous le communisme. Les promesses d’emploi, de nouvelles technologies et d’une réglementation environnementale plus stricte, n’ont que peu entamé le scepticisme de beaucoup d’habitants.
Les critiques environnementales et sociales ne risquent cependant guère d’inverser la balance, tant il y va de l’intérêt supérieur de la nation et même de l’Europe. Car qu’on ne s’y trompe pas : il y a peu de chances qu’on laisse dormir d’aussi fabuleuses réserves de lithium. Comme on manque de telles mines en Europe de nouvelles devront voir le jour, malgré les protestations. Preuve que le sujet est délicat, il n’existe en ce moment qu’une poignée de projets miniers européens pour le lithium. Une est prévue pour 2026 dans le nord du Portugal. D’autres sont envisagées notamment en Espagne, en Autriche, en Allemagne et en France. Au mieux, les premières mines de lithium européennes devraient être opérationnelles autour de 2025. La mine en République Tchèque est, elle, programmée pour 2027.
Soutenu fermement par le Premier ministre tchèque Petr Fiala, le projet minier, dirigé par Geomet, (une filiale de l’entreprise énergétique d’État tchèque ČEZ) et de l’Australienne European Metals Holding, est acté. Si tout se déroule comme prévu, la production de lithium issu de ces mines pourrait permettre de fabriquer environ 800 000 voitures électriques par an pendant 25 ans, soutenant ainsi l’industrie automobile tchèque qui représente 10 % du PIB du pays.
Coup de théâtre : le retour de la mine en Serbie
Cette tendance vers plus de mine s’est aussi vu confirmée par une nouvelle annoncée cette semaine en Serbie. Alors qu’on le pensait enterré depuis 2022 en raison de l’opposition locale, le projet de mine de lithium en Serbie par Rio Tinto (porteur du projet et mastodonte minier australien) renaît de ses cendres. Le président serbe, Aleksandar Vucic, vient d’annoncer son intention de donner son feu vert au projet dans le Financial Times. Un projet qui ferait de la mine de Jadar la plus grande d’Europe. Une mine capable de produire jusqu’à 58 000 tonnes de lithium par an, suffisamment pour équiper 1,1 million de voitures électriques. Selon le ministre de l’Économie, Sinisa Mali, le projet pourrait augmenter le PIB du pays, actuellement de 63 milliards de dollars, de 10 à 12 milliards de dollars. En outre, le président Vucic espère que ce projet attirera des investissements de l’Union européenne tout au long de la chaîne de production, y compris dans le raffinage, la fabrication de batteries et de voitures électriques. Cette mine devrait aussi avoir des conséquences géopolitiques et stratégiques. La Serbie est officiellement candidate à l’adhésion à l’UE depuis 2012. Ce qui ne l’empêche pas d’être aussi courtisée par la Russie et la Chine. Le fait qu’elle ne donne pas sa mine aux Chinois et se tourne vers l’Europe est un gage de réalignement avec l’Union européenne. Plus qu’un simple geste de politesse quand on est assis sur des tonnes de lithium.
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