Selon l’administration américaine, sur les 550 milliards de dollars d’investissement promis par Tokyo d’ici à 2029, 50% puis 90% des bénéfices reviendraient à Washington !
Le secrétaire au Commerce américain Howard Lutnick a précisé sur CNBC les détails de l’accord entre Washington et Pékin, qui inclut un engagement du Japon d’investir 550 milliards de dollars aux États-Unis d’ici 2029. Et il vaut mieux lire ces détails en étant bien assis sur sa chaise, car ils préfigurent ce qui nous attend.
Rendre l’Amérique plus forte
L’engagement japonais d’investir aux États-Unis avait été mentionné le 23 juillet dernier, lors de la divulgation d’un accord commercial entre Washington et Tokyo limitant les tarifs douaniers imposés par les États-Unis à 15%.
Cet accord américano-japonais inclut donc une promesse japonaise de mobiliser 550 milliards de dollars dans un fonds d’investissement conjoint, principalement orienté vers les États-Unis. Ce fonds, baptisé « Japanese/USA investment vehicle », vise à financer des secteurs stratégiques américains, comme les semi-conducteurs, les infrastructures énergétiques, les minéraux critiques, les produits pharmaceutiques et la construction navale. Selon Howard Lutnick, « cet argent sera entre les mains de Donald Trump pour investir dans ce qui rendra l’Amérique plus forte ».
Des questions
L’engagement de 550 milliards de dollars est ambitieux, mais soulève des questions, surtout au Japon, sur sa démesure – le Japon a investi 55 milliards en 2024, il promet donc dix fois plus en quatre ans – et sur sa mise en œuvre. Contrairement à une injection directe de liquidités, la majeure partie du fonds repose sur des prêts et des garanties d’exportation, principalement via la Banque du Japon pour la Coopération internationale, ainsi que l’agence japonaise d’assurance à l’exportation. Seuls 1 à 2 % de la somme seraient des investissements en capital, le reste étant des financements censés être à faible risque. Par exemple, des projets comme l’usine de semi-conducteurs de TSMC au Texas, intégrant des composants japonais, pourraient bénéficier de ces fonds pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement face aux tensions avec la Chine.
Le Japon a obtenu certaines garanties pour protéger ses intérêts. Un mémorandum signé le 5 septembre 2025 stipule que Tokyo peut rejeter des projets déjà pris en charge par le secteur privé.
Sanction et extorsion
En revanche, une clause dite « boomerang » prévoit que, si le Japon ne respecte pas ses engagements, les tarifs douaniers pourraient être relevés. Lutnick a insisté sur cet aspect, déclarant : « Si le Japon ne suit pas, les tarifs reviendront, et ils seront douloureux. »
Ce jeudi, Howard Lutnick a donné de nouveaux détails. Les États-Unis partageront initialement les profits à parts égales sur les projets financés par l’investissement japonais. Une fois que le Japon aura récupéré ses 550 milliards de dollars, la répartition des profits basculera à 90 % pour les États-Unis et 10 % pour Tokyo, a-t-il expliqué sur CNBC.
Il a ajouté qu’un comité d’investissement proposera des projets à financer grâce aux fonds japonais. Une fois l’approbation de Trump obtenue, les États-Unis engageront des travailleurs du bâtiment et enverront une « demande de capital » au Japon, a-t-il ajouté, reconnaissant que le Japon devra « bouleverser son bilan » et emprunter de l’argent pour financer ces projets.
Un avertissement pour l’Union ?
Le secrétaire au Commerce a présenté le deal comme un accord équilibré, les États-Unis finançant leur économie, et le Japon bénéficiant de tarifs douaniers réduits de 15%.
C’est d’ailleurs le même taux qui a été imposé à l’Union européenne, avec également une intention d’investissement de l’Europe de 600 milliards de dollars. Mais les précisions sur ce projet d’investissement européen ne sont pas encore rendues publiques, car entre l’Union et les États-Unis, le même flou semble régner qu’avec le Japon. La Maison-Blanche parle de promesse d’investissement, la Commission européenne parle d’intention…
Cependant, ce qui apparaît comme un racket américain à l’égard du Japon augure de négociations difficiles. Car Howard Lutnick a souligné que l’accord servirait de modèle pour d’autres partenaires, comme la Corée du Sud et l’Union européenne, qui ont conclu des pactes d’investissement similaires.