Les Etats-Unis avancent vers la récession, mais la Fed ne bouge pas

Le président de la Fed, Jerome Powell. © REUTERS/Kevin Lamarque
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Cette semaine, la Réserve fédérale américaine a laissé ses taux inchangés, ils restent compris entre 4,25% et 4,50%, malgré le fait que les Etats-Unis avancent vers la récession : techniquement une récession se définit comme deux trimestres d’affilée de « croissance négative ». Or, les Etats-Unis ont déjà fait la moitié du chemin : selon les données publiées par le Département du Commerce, le PIB du pays a reculé de 0,3% en rythme annualisé au premier trimestre de cette année.

C’est le premier recul depuis 2022, et il s’explique par le chaos causé par la politique économique et commerciale de la Maison Blanche. Face à l’incertitude, et avant même le Liberation Day du 2 avril, les entreprises américaines ont adapté leur comportement, réduisant leur activité, important beaucoup de biens susceptibles d’être touchés par la guerre commerciale, cela dans un contexte où l’administration américaine, très perturbée, a également moins dépensé que d’habitude dans certains secteurs. Dès lors, le PIB américain, qui était encore en croissance de 2,4% au dernier trimestre de l’an dernier, a chuté à -0,3% au premier trimestre de cette année.

Pourtant, malgré cette baisse de l’activité, la Fed reste impassible. Pourquoi ? Parce que, explique le président de la Fed Jerome Powell,  il y a encore trop d’incertitude : « La Fed prendra des décisions plus avisées et meilleures si nous attendons encore quelques mois ou le temps qu’il faudra pour avoir une idée réelle de la manière dont cela (les droits de douane et leurs effets) se répercutera sur l’inflation. »

Réveil de l’inflation

Les tarifs douaniers de Donald Trump vont en effet se répercuter sur les prix avec le risque de réveiller une inflation qui ne dort que d’un œil : l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 2,4% en mai, (2,8% hors énergie et alimentation), ce qui reste assez sage, mais c’est encore au-dessus de l’objectif de 2% de la Fed. Or, la guerre tarifaire engendrée par Donald Trump pourrait raviver la hausse des prix, et une baisse prématurée des taux pourrait accentuer encore cette flambée inflationniste. La Fed peut se permettre d’attendre puisque, avec un taux de chômage à 4,2% et 177.000 emplois créés en avril, le marché du travail continue à être robuste.

Mais Donald Trump, qui a réagi au statu quo de la banque centrale en attaquant son président Jerôme Powell, une personne, selon Donald Trump, « stupide », « ignorante »,  agissant selon un agenda politique et en retard sur tout. « Peut-être devrais-je aller à la Fed. Est-ce que je suis autorisé à me désigner moi-même ? » Ce n’est pas qu’une boutade : le mandat de Powell se termine en mai 2026.

Equation insoluble

On sait que, électoralement parlant, abaisser les taux d’intérêt est un atout, car des taux plus bas profitent à la fois aux entreprises américaines et aux ménages. On observe actuellement aux États-Unis une chute de l’activité immobilière en raison de ces taux relativement élevés. Mais le point le plus important est sans doute l’impact des taux sur le budget de l’Etat. Donald Trump a posé une équation budgétaire impossible à résoudre.

D’un côté, il veut poursuivre voire amplifier les baisses d’impôt. De l’autre, il est confronté à un budget fédéral qui, sans ces nouvelles baisses d’impôt, est déjà en déficit de plus de 6% du PIB, avec une dette qui s’accumule (elle atteint 36.000 milliards de dollars).

Donald Trump a estimé ces derniers jours que le niveau actuel des taux d’intérêt « coûtait une fortune au pays » en alourdissant la charge de remboursement de la dette. Mais s’ils veulent financer leurs finances publiques et continuer à attirer les investisseurs étrangers, qui détiennent encore 25% de la dette du pays mais qui s’en vont, les Etats-Unis doivent offrir des taux suffisamment rémunérateurs. Or, ce n’est déjà plus vraiment le cas. Pour des raisons politiques et économiques, la Chine se débarrasse de ses obligations américaines. Le Japon va être tenté de le faire, puisque les taux à long terme japonais sont désormais élevés. Et en Europe aussi, le rendement offert par les obligations américaines n’est plus suffisamment attractif : un investisseur européen peut désormais avoir des obligations allemandes à long terme qui rapportent plus de 2,5% d’intérêt, alors que s’il achète des obligations américaines et se couvre contre la dépréciation du dollar, ces titres ne lui procurent que 2% d’intérêt.

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