C’est une première historique. Jamais auparavant un Président américain n’avait limogé un membre du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale. Le dollar fléchit.
Le Président américain Donald Trump a depuis longtemps la Réserve fédérale dans son viseur, et plus précisément les gouverneurs et gouverneures qui ne sont pas de son camp. Le Président de la Fed, Jerome Powell, fait l’objet d’attaques répétées de la Maison Blanche pour tarder à abaisser les taux. Mais ce lundi, c’est la gouverneure Lisa Cook, une proche du Parti démocrate, nommée par le président Joe Biden au Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale en janvier 2022 et qui avait travaillé dans l’administration Obama comme économiste principale au Conseil des conseillers économiques, qui est la première victime de la tentative de mise au pas de la banque centrale américaine par l’administration Trump.
Allégations de fraude
Donald Trump a en effet annoncé lundi le limogeage immédiat de Lisa Cook en invoquant des allégations de fraude immobilière. « J’ai déterminé qu’il y avait suffisamment de raisons pour vous renvoyer de votre poste », écrit Donald Trump à l’intéressée. Selon lui, elle aurait falsifié des documents pour obtenir des conditions d’emprunt avantageuses sur deux prêts immobiliers. Lisa Cook est en effet accusée par Bill Pulte, responsable de l’Agence de financement du logement et nommé par Trump, d’avoir déclaré deux résidences principales et falsifié des documents bancaires. Cook a nié ces accusations, affirmant que les prêts avaient été contractés avant son entrée à la Fed et qu’elle ne comptait pas démissionner.
Lire aussi | Quand l’Amérique casse son propre thermomètre
C’est une première. Jamais auparavant un Président n’avait limogé un membre du conseil des gouverneurs de la Fed, une institution censée être indépendante du pouvoir politique.
D’ailleurs, le Président américain en a-t-il le droit ? Pas vraiment. La Réserve fédérale est une institution indépendante, et ses gouverneurs bénéficient d’une protection juridique forte. Selon la loi américaine, un président ne peut pas limoger un gouverneur de la Fed sans motif grave, et surtout pas pour des raisons politiques ou liées à la politique monétaire. La Cour suprême a récemment rappelé que les dirigeants de la Fed ne peuvent pas être renvoyés à volonté par le président.
Prise autoritaire de pouvoir
Plusieurs voix, dont celle de la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, dénoncent une “prise autoritaire du pouvoir” et appellent à une annulation judiciaire de cette décision. Mais cette « première » pourrait ouvrir les portes d’une crise institutionnelle et monétaire en créant un précédent dans lequel l’administration Trump va s’engouffrer pour remodeler le conseil de la Fed à son image.
Cette emprise sur la Fed a d’ailleurs commencé. On se souvient de la tentative de la Maison Blanche de limoger Jerome Powell pour avoir dépasser le budget de rénovation des bâtiments de la Réserve fédérale, tentative arrêtée in extremis – selon plusieurs journaux américains, Trump avait rédigé la lettre de démission – parce qu’elle allait provoquer une crise du dollar sur les marchés. La lettre de Donald Trump à Lisa Cook a d’ailleurs affaibli le dollar : il faut désormais 1,17 dollar pour avoir un euro, alors qu’il n’en fallait que 1,16 la semaine dernière.
Lire aussi | Jerome Powell, le dernier résistant
Le loup dans la bergerie
La mise au pas de la Fed a d’ailleurs commencé. Une manœuvre moins médiatique a déjà eu lieu ces dernières semaines : Stephen Miran — conseiller économique principal de Donald Trump — a été nommé temporairement au conseil des gouverneurs de la banque centrale pour remplacer Adriana Kugler. Celle-ci a démissionné pour des raisons obscures, mais il n’est pas interdit de penser qu’elle a subi des pressions pour le faire. Adriana Kugler est en effet proche du Parti démocrate. Elle a été nommée par le président Joe Biden à plusieurs postes importants, notamment comme gouverneure de la Réserve fédérale et auparavant comme directrice exécutive des États-Unis à la Banque mondiale. Son parcours inclut également un rôle de cheffe économiste au Département du Travail sous l’administration Obama, ce qui confirme son alignement avec les politiques démocrates.
En faisant entrer Stephen Miran, critique de Jerome Powell, et initiateur d’un plan monétaire révolutionnaire pour obliger les partenaires américains à continuer à financer la dette américaine, Donald Trump a fait entrer le loup dans la bergerie. La nomination de Stephen Miran doit encore être confirmée par le Sénat, mais elle marque une tentative claire de Trump d’orienter la politique monétaire et de faire du dollar et des taux d’intérêt une arme politique majeure. Stephen Miran est un des candidats possibles à la succession de Jerome Powell, dont le mandat se termine en mai 2026.