Les dessous de l’accord minier entre les Etats-Unis et l’Ukraine 

Mine de Zavalia. © Reuters
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le projet d’accord minier entre les États-Unis et l’Ukraine, en discussion depuis l’entrée de Donald Trump à la Maison Blanche, est dans sa dernière ligne droite. Apparemment, les délégations ukrainienne et américaine sont arrivées à un projet d’accord, qui doit encore être signé par les présidents Zelensky et Trump, peut-être déjà ce vendredi 28 février.

Que sait-on ? D’abord qu’il s’agit d’un « memorandum of understanding », un protocole d’accord qui ne doit pas être signé par les parlements respectifs. Un véritable accord viendra plus tard et sera certainement ardu à négocier, car le diable se cachera dans les détails.

Mais ce protocole d’accord cerne déjà le champ de négociation. L’idée est de créer un fonds commun américano-ukrainien. Après des négociations tendues, la clause initiale des Etats-Unis, qui voulait que les profits de ce fonds reviennent à 100% aux Etats-Unis pour un montant de 500 milliards de dollars a disparu.  Les États-Unis et l’Ukraine développeraient conjointement les ressources minières, mais aussi gazières, pétrolières et les infrastructures ukrainiennes, et les revenus iraient dans un fonds “conjoint” dont les détails restent à préciser. Une partie de ces revenus serait réinvestie en Ukraine.

Les réservers de minerais critiques en Ukraine à la date du 4 février © AFP

L’Ukraine détient environ 5 % des ressources minières mondiales, notamment des minerais stratégiques comme le titane (11e producteur mondial), le manganèse (8e), le graphite (20 % des réserves estimées mondiales), et potentiellement le lithium, essentiel pour les batteries. Cependant, une partie de ces gisements est inexploité ou située dans des régions comme le Donbass qui sont actuellement occupées par la Russie. La Russie a d’ailleurs fait une proposition de partenariat sur ces richesses minières aux Etats-Unis, ce qui permettrait au Kremlin de mêler les Etats-Unis à la mainmise du Kremlin sur ces territoires.

Montants incertains

Le projet d’accord américano-ukrainien ne parle toutefois pas de toutes les ressources minières ukrainiennes. Celles qui contribuent déjà au budget du pays sont exclues. Il s’agit notamment des ressources déjà gérées par des entités ukrainiennes comme Naftogaz ou Ukrnafta (pétrole et gaz).

Le montant de cet accord reste aussi incertain : si les exigences initiales des Etats-Unis – 500 milliards de dollars – ont été abandonnées, Donald Trump parle régulièrement de 350 milliards de dollars ainsi que de la poursuite de fournitures d’armes à l’Ukraine. Incertitudes aussi sur les droits de propriété de ces actifs miniers. Les Etats-Unis ne bénéficieront-ils que de l’usufruit, ou seront-ils propriétaires ou co-propriétaires ?

Garanties de sécurité

Les Ukrainiens voudraient lier cet accord à d’autres sujets, comme les garantie de sécurité que les Etats-Unis peuvent apporter à l’Ukraine. « L’accord sur les minéraux n’est qu’une partie du tableau. Nous avons entendu à plusieurs reprises l’administration américaine dire que cela fait partie d’un tableau plus large », a déclaré mardi au journal économique Olha Stefanishyna, vice-première ministre et ministre de la Justice de l’Ukraine, qui a mené les négociations.

Répartition des principaux minerais en Ukraine. © DR

Mais ces garanties de sécurité, Trump n’en veut pas. Selon certains diplomates, la seule mention du sujet dans le MOU est « une clause générale qui dit que l’Amérique investira dans une Ukraine souveraine, stable et prospère, qu’elle travaille pour une paix durable et que l’Amérique soutient les efforts pour garantir la sécurité » du pays.

Donald Trump a toujours dit que les garanties de sécurité devaient être fournies par les Européens, parce que cette guerre ne concerne pas les Etats-Unis : « il y a un formidable océan qui nous en sépare », souligne-t-il, ajoutant que la guerre est en revanche aux frontières de l’Union européenne. Toutefois, Zelensky a répété qu’il n’avait  pas l’intention de signer un accord minier qui n’inclurait pas de garanties de sécurité américaines plus larges pour son pays.

Autre point d’interrogation : dans les faits, comme le souligne le Wall Street Journal ce jeudi, cet accord sera difficile à mettre en place. Car si Trump a qualifié ce texte de “deal à mille milliards de dollars”, sa réalisation demandera d’énormes investissements pour extraire ces richesses minières, qui sont pour la plupart concentrées sur la ligne de front Est, avec des infrastructures de transport et d’énergie qui ont été détruites. Certaines co-entreprises réalisées avant le conflit entre les Etats-Unis et les Ukrainiens n’avaient semble-t-il pas été couronnées  de succès.

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