Le rejet de l’eau de Fukushima: alarmant ou sans danger ?

Manifestation à Tokyo contre le rejet des eaux de Fukushima. (Photo by David Mareuil/Anadolu Agency via Getty Images)

Le Japon lance ce jeudi l’évacuation dans l’océan Pacifique d’eau issue de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi, ravagée par un tsunami géant en 2011.

Selon Tokyo et des experts internationaux, cette opération est sans danger car l’eau a été traitée au préalable et le processus sera extrêmement graduel. Mais certains pays voisins, en particulier la Chine, sont alarmés.

Pourquoi un rejet dans l’océan ?

La centrale de Fukushima Daiichi génère plus de 100.000 litres d’eau contaminée par jour en moyenne — de l’eau issue de la pluie, des nappes souterraines ou des injections nécessaires pour refroidir en permanence les coeurs de ses réacteurs entrés en fusion en 2011.

L’eau est récupérée, filtrée et stockée sur le site, mais les capacités disponibles sont bientôt saturées: 1,34 million de m3, soit l’équivalent de presque 540 piscines olympiques, ont été accumulées dans plus d’un millier de citernes géantes.

Après des années de réflexion, le Japon a opté en 2021 pour la solution du rejet en mer à un kilomètre de la côte, via un conduit sous-marin construit à cet effet.

Sous la supervision de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le processus doit durer jusqu’au début des années 2050, à raison de 500 m3 d’eau tritiée évacués par jour maximum, selon Tepco, l’opérateur de la centrale en cours de démantèlement.

Est-ce sans danger ?

L’eau est traitée par un processus de filtration appelé “Système avancé de traitement des liquides” (ALPS). Cela permet d’éliminer la plupart de ses substances radioactives, mais le tritium n’a pas pu être retiré avec les technologies existantes.

Le tritium est un radionucléide naturellement présent dans les océans et dont l’impact radiologique est faible. S’il est inhalé ou ingéré, le tritium peut présenter un risque, mais seules des doses très élevées sont nocives pour la santé humaine, selon les experts.

Tepco prévoit de diluer cette eau “tritiée” pour réduire son niveau de radioactivité à moins de 1.500 becquerels par litre (Bq/L). 

Ce seuil est 40 fois inférieur à la norme nationale japonaise pour l’eau tritiée alignée sur la norme internationale (60.000 Bq/litre), et il est environ sept fois inférieur au plafond établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’eau potable (10.000 Bq/litre).

Par ailleurs, depuis des décennies, du tritium est régulièrement rejeté dans l’eau par des centrales nucléaires en activité dans le monde entier, ainsi que par des usines de retraitement de déchets nucléaires comme celle de La Hague en France.

“Nous n’avons pas identifié un quelconque impact sur l’environnement ou la santé” du fait de ces pratiques, a déclaré à l’AFP Tony Hooker, un spécialiste des radiations de l’université d’Adélaïde (Australie).

L’AIEA a approuvé début juillet le plan nippon.

Qui s’inquiète, et pourquoi ?

Des organisations environnementales ont critiqué le plan japonais, comme Greenpeace qui accuse le gouvernement nippon de minimiser les risques de radiation.

Des pêcheurs japonais craignent aussi que cela ne nuise à l’image de leurs produits, à la fois sur le marché national et à l’étranger.

Du côté des pays voisins, la Chine a jugé le plan japonais “extrêmement égoïste et irresponsable” et reproché à Tokyo de vouloir utiliser l’océan Pacifique comme un “égout”. 

Pékin a décidé en juillet d’interdire les importations de denrées alimentaires en provenance de dix départements japonais, dont celui de Fukushima, en invoquant des raisons de sécurité. Hong Kong et Macao ont pris des mesures similaires pour des produits de la mer nippons cette semaine.

Selon des analystes, la position de la Chine est probablement aussi très politique, sur fond des tensions sino-japonaises en Asie-Pacifique.

Séoul, dont les relations avec Tokyo se sont réchauffées depuis quelques mois, n’a pas exprimé d’objections. Mais l’opposition est critique sur le sujet et la population sud-coréenne est inquiète: des consommateurs dans le pays ont ainsi fait des réserves de sel d’eau de mer ces derniers mois, de peur que ce produit ne devienne bientôt dangereux pour la santé.

La Chine suspend toutes ses importations de produits de la mer japonais

La Chine a annoncé jeudi suspendre toutes ses importations de produits de la mer du Japon, après le début du rejet controversé dans l’océan Pacifique d’eau issue de la centrale nucléaire japonaise accidentée de Fukushima.

Cette décision, prise au nom de “la sécurité alimentaire”, vise à “prévenir les risques de contamination radioactive causés par le rejet en mer des eaux contaminées”, ont indiqué les Douanes dans un communiqué.

La Chine dénonce un acte “égoïste et irresponsable”

La Chine a fermement critiqué jeudi le Japon après le début du rejet controversé dans l’océan Pacifique d’eau issue de la centrale nucléaire japonaise accidentée de Fukushima Daiichi, dénonçant une action “égoïste et irresponsable”.

“Le gouvernement japonais n’a pas prouvé la légitimité” de ces rejets, “ni qu’ils sont inoffensifs pour le milieu marin et la santé humaine”, a estimé le ministère chinois des Affaires étrangères.

“Ce que le Japon fait, c’est transférer au monde entier les risques (liés à ces eaux) et prolonger la douleur (liée à la catastrophe) aux générations futures”, a-t-il indiqué.

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