La rupture unilatérale des négociations commerciales entre les États-Unis et le Canada constitue une « agression caractérisée » contre la souveraineté canadienne, dénonce l’organisation ICRICT, coprésidée par le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. L’économiste accuse les milliardaires de la tech d’« imposer leurs politiques » par des canaux d’influence.
« Il ne s’agit pas seulement de commerce, mais de savoir si des gouvernements démocratiquement élus peuvent encore réglementer et taxer de puissantes entreprises, ou si les milliardaires de la tech dictent les politiques publiques par l’intermédiaire de relais politiques », affirme Joseph Stiglitz dans un communiqué.
Cette déclaration fait suite à la décision du président américain Donald Trump, annoncée vendredi via un message lapidaire sur son réseau Truth Social, de mettre fin aux négociations commerciales en cours. Il y qualifiait la taxe canadienne sur les géants du numérique de « coup direct et évident » porté contre les États-Unis.
Sous pression, le Canada a annoncé dimanche l’abandon de cette taxe dans l’espoir de conclure un nouvel accord commercial d’ici le 21 juillet.
La taxe sur les services numériques (TSN), instaurée l’an dernier, visait les multinationales du numérique générant un chiffre d’affaires mondial annuel supérieur à 1,1 milliard de dollars canadiens, et des revenus annuels au Canada de plus de 20 millions. Elle prévoyait une ponction de 3 % sur les revenus tirés de la publicité en ligne, des plateformes de vente, des réseaux sociaux ou de la commercialisation des données personnelles. Les principaux concernés étaient les grandes entreprises américaines telles que Google, Apple, Meta (Facebook), Amazon et Microsoft, souvent critiquées pour leur capacité à minimiser leur charge fiscale grâce au caractère immatériel de leurs activités.
Avant le revirement canadien, l’ICRICT (Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des sociétés) avait dénoncé une atteinte grave à la souveraineté d’Ottawa et exhorté les autorités à « tenir bon » face aux pressions américaines.
Interrogé par Fox News avant l’annonce canadienne, Donald Trump avait déclaré que « les gens ne réalisent pas à quel point il est désagréable de négocier avec le Canada », ajoutant qu’il aimerait voir le pays devenir le 51ᵉ État des États-Unis. La Maison-Blanche n’a pas encore réagi à la décision canadienne.
Pour l’ICRICT, cette rupture unilatérale constitue une « tentative d’intimidation » et marque une « escalade préoccupante » dans le conflit mondial entre la gouvernance démocratique et le pouvoir croissant des grandes entreprises. Elle représente, selon l’organisation, une attaque contre le principe selon lequel les sociétés doivent contribuer équitablement au financement des infrastructures et des services publics dont elles bénéficient.
En contournant les protocoles diplomatiques, Washington chercherait avant tout à empêcher que les grandes entreprises technologiques soient imposées de manière équitable au Canada, conclut l’organisation.