Habitué des morceaux de bravoure à la tribune du Sénat, Claude Malhuret a démonté le discours des extrêmes sur la dissolution. “Le vote pour l’extrême droite, c’est comme une dinde qui vote pour Noël”. Il a aussi critiqué les concessions obtenues par les socialistes. Citant Oscar Wilde et appelant le Premier ministre à inviter le PS espagnol pour donner un cours à leurs collègues. Brillant.
Déjà, commencer par citer l’écrivain Oscar Wilde à la tribune d’une assemblée dans le cadre d’un discours budgétaire, il faut le faire. Habitué des morceaux de bravoure, le sénateur français Claude Malhuret a fait cela et davantage encore dans le cadre de la discussion ouverte par la non-censure du Premier ministre français, Sébastien Lecornu.
“Oscar Wilde, ruiné à la fin de sa vie et endetté jusqu’au cou, disait: ‘Je meurs au-dessus de mes moyens‘, entame-t-il. C’est exactement ce qui est en train de nous arriver.” Et le budget 2026 sera “plus difficile encore à bâtir qu’un meuble Ikea”.
“L’équation est pourtant simple, prolonge-t-il. Nous cumulons le prélèvement le plus élevé et le déficit le plus abyssal de toute l’Union européenne. N’importe quel comptable débutant en tirerait la conclusion évidente: la France c’est gabegie magnifique et il faut faire des économies. Curieusement, ce n’est pas la solution préconisée par de nombreux médias, réseaux sociaux ou partis politiques. Ce qu’on nous propose, c’est d’encore augmenter les dépenses.”
“Le vote pour l’extrême droite, comme une dinde qui vote pour Noël”
Claude Malhuret démonte avec un humour corrosif le discours des extrêmes, LFI et RN. “Aux deux extrémités de l’Assemblée nationale, vos ennemis, qui sont aussi les ennemis de la démocratie, se moquent du budget et de l’intérêt général. Leur seul but est de précipiter la crise institutionnelle.”
Chacun en prend pour son grade.
“L’extrême gauche guette l’étincelle qui mettra le feu aux poudres. Après avoir bloqué l’Assemblée pendant trois ans, la secte a vu surgir un mouvement dont le nom comblait ses désirs les plus fous: ‘Bloquons tout’. En martelant sur toutes les tribunes que toute mesure d’économies provoquera la famine, le déluge et les sauterelles, LFI a tenté de récupérer une ébullition improvisée. Une fois de plus, heureusement, elle a échoué à la transformer en insurrection. En définitive, pauvre extrême gauche dont le bilan se résumera en définitive à une seule chose: un siècle à bouffer du curé pour finir par lécher les bottes des mollahs.”
Le RN n’est pas épargné. “L’extrême droite, elle, voit son heure venir, mais l’odeur du pouvoir la rend schizophrène. Marine Le Pen explique désormais qu’elle n’est ni de droite ni de gauche. Elle est devenue très ‘en même temps’. Mais au même moment, Ciotti court les plateaux pour appeler à l’union des droites, et Bardella fait la danse des sept voiles aux journées du Medef. De deux choses l’une, soit les leaders du RN ont une stratégie opposée – attention au grand écart – soit ils jouent au good cop bad cop pour gagner sur tous les tableaux. Cela va finir par se voir. On ne sait plus s’il faut croire la madone des prolétaires ou le champion du CAC 40. Surtout quand la patronne s’accroche dur comme fer à la revendication la plus folle de la CGT, la retraite à 60 ans. Cette réforme qui coûterait des dizaines de milliards, associée à la promesse d’une baisse des impôts, suffit à elle seule à les disqualifier.”
Coup de poing final: “Il faut le dire avec franchise à tous les Français qui ont quelques économies, le vote pour l’extrême droite, c’est comme une dinde qui vote pour Noël.”
“Le prix à payer au PS est élevé”
Bref, dit-il, Sébastien Lecornu n’a pas grand-monde avec qui discuter. “Il restait le PS. Olivier Faure se tortillait depuis des mois comme un lombric entre son tango avec LFI pour les élections et le refus par la moitié de ses troupes de baiser les babouches de Mélenchon. Vous l’avez tiré d’affaire en acceptant de le laisser monter les enchères jusqu’où il le souhaitait.”
“Oubliés les deux jours fériés travaillés, abandonné l’objectif de 40 milliards d’économies, suspension de la réforme des retraites, reconduction de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises – ce qui prouve une fois de plus qu’en France, les impôts temporaires sont ce qui se rapprochent le plus de la vie éternelle -, fiscalisation des actifs des holdings, taxation des hauts patrimoines… Votre problème n’était pas d’acheter les socialistes, il était de ne pas les payer au prix qu’ils s’estiment. Malheureusement, vous avez payé très cher.”
Et de lancer sous les applaudissements: “Les hausses d’impôts ne permettent jamais de combler le déficit, elles permettent seulement à l’État de dépenser plus.“
Certes, des compromis sont indispensables, mais “on déplace les transats pendant que le Titanic coule“, dit-il en citant un prix Nobel. La responsabilité de la dette vient de deux mesures, dont la volonté de François Mitterrand (PS) à baisser l’âge de la retraite à 60 ans alors qu’il fallait le relever. “Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Michel Rocard en 1990.”
“En Espagne, l’âge de la retraite est à 67 ans, ajoute-t-il. Pourriez-vous, Monsieur le Premier ministre, inviter un socialiste espagnol pour expliquer les finances publiques à un socialiste français.”
Brillant. Et le plus fort, c’est que Sébastien Lecornu est parvenu à rester impassible.
La vidéo de son discours :