Le climat économique est bon, mais 
les nuages sont toujours là

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Dans un climat international marqué par les incertitudes, le regain de confiance amorcé l’an dernier est confirmé parmi les entreprises exportatrices. Tout en demeurant vigilantes, elles repartent à la conquête 
de nouveaux marchés dans les pays limitrophes mais également à la grande exportation.

Depuis le lancement du baromètre Credendo/Trends-Tendances en 2016, jamais l’indice de confiance des entrepreneurs dans le climat économique mondial n’avait été aussi élevé, à l’exception de l’année 2017. Ce bon résultat confirme l’optimisme en partie retrouvé des entreprises exportatrices qui, comme le note Nabil Jijakli, Deputy CEO de l’assureur-crédit belge Credendo, “souligne la résilience de nos entreprises. C’est d’autant plus remarquable que l’on note que les freins à la croissance que sont les coûts de production en Belgique, la lourdeur administrative et les risques géopolitiques à l’échelle globale sont en hausse”.

“L’indice de confiance, qui est 
le meilleur depuis 2017, souligne la résilience de nos entreprises.” – Nabil Jijakli (Credendo)

Une amélioration qu’observe également Pascale Delcomminette, administratrice générale de l’Agence wallonne à l’exportation (Awex) : “Il apparaît clairement que depuis 2023, le niveau de confiance des entreprises augmente. Nous le constatons lors des missions que nous menons. Ainsi depuis mars de cette année, les carnets de commandes des entreprises qui exportent se remplissent et sont à nouveau à la hausse. Par ailleurs, la récente baisse des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne va améliorer les conditions de financement des entreprises. Cette année se dessine comme une année de reprise. Sur la base du premier trimestre, on peut être résolument optimiste pour les trois prochains trimestres, même s’il ne faut pas crier victoire pour autant”.

Des coûts de production élevés

Si le climat est bon, les nuages sont toujours bien présents. Et certains ont même grossi en l’espace de 12 mois comme les coûts de production qui minent les entrepreneurs. Cette année, ils sont 49% à l’indiquer comme premier frein à leurs exportations contre 33% l’an dernier. “Cette hausse notable s’explique par ce que nous avions déjà signalé pour les baromètres précédents, analyse Nabil Jijakli. C’est lié, d’une part, aux coûts de l’énergie qui sont plus élevés en Belgique, et de manière générale en Europe, qui a subi de plein fouet la crise énergétique, et d’autre part, à notre coût du travail qui a également augmenté en 2023 avec l’indexation automatique des salaires. Maintenant, nous allons sans doute connaître un effet de rattrapage – à savoir une augmentation des salaires différée – dans les pays limitrophes comme l’Allemagne et la France.”

Les deux autres freins – trop de formalités et risques politiques – sont également à la hausse d’une dizaine de pour cent par rapport au baromètre précédent. En revanche, la concurrence déloyale des autres pays a quitté le top 5 des freins à l’export dans lequel on retrouve les risques de non-paiement, la distance et les problèmes logistiques. De nombreux autres freins tels que la faible connaissance du marché local ou la connaissance insuffisante des implications juridiques demeurent stables d’année en année. Ce sont souvent des obstacles pour certaines entreprises liées à leur taille. Un dernier point important mérite d’être noté cette année avec seulement 6% des répondants au baromètre qui indiquent qu’il n’y a aucun frein en ce qui les concerne alors qu’ils étaient encore 19% en 2023, soit une entreprise sur cinq.

Une actualité 
sous tension

Les entrepreneurs sont très sensibles à l’actualité, comme en témoignent leurs réponses quant à l’impact des événements sur leurs activités d’exportation. Depuis 2022, le niveau des prix énergétiques et des matières premières ainsi que la guerre en Ukraine figurent parmi les deux premières préoccupations des exportateurs. Deux événements qui sont peu ou prou liés. On note cependant que d’année en année leur impact s’amenuise. Ainsi pour l’énergie et les matières premières, il était de 83% en 2022, 80% en 2023 et 71% cette année ; pour la guerre en Ukraine, les résultats sont de 76%, 69% et 64%. Nos entreprises semblent avoir absorbé ou s’être adaptées à ces deux événements tout en les considérant toujours comme essentiels. On peut également considérer que c’est le cas avec la pénurie de main-d’œuvre, qui s’apparente toujours à un casse-tête, mais qui régresse cependant également chaque année passant de 68% en 2022 à 57% pour la présente édition.

En revanche, les tensions géopolitiques sont en hausse avec 54% en 2024 contre 44% en 2023. La persistance du conflit en Ukraine ou le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza et ses conséquences dans la région et au-delà jouent manifestement un rôle dans cette progression de 10%. “Nous sommes clairement dans une période où les tensions géopolitiques sont très élevées, confirme Nabil Jijakli. Quelle que soit l’importance réelle de nos rapports économiques avec Israël ou l’Ukraine, la perception des risques géopolitiques est bien présente et l’augmentation des dangers est réelle. On peut craindre un élargissement du conflit entre la Russie et l’Ukraine ou une dégradation de la situation au Moyen-Orient avec d’autres pays, tels que le Liban ou l’Iran. On comprend ainsi les inquiétudes légitimes des exportateurs qui se manifestent dans le baromètre.”

Approvisionnement 
et dérèglement climatique à l’arrière-plan

Si les entreprises sont plus que jamais attentives à l’évolution internationale, elles manifestent cette année moins de craintes par rapport aux problèmes d’approvisionnement et aux dérèglements climatiques. Les premiers, liés d’abord à la pandémie, ensuite au conflit russo-ukrainien, se sont dissipés au fil des mois au fur et à mesure que les entreprises se sont adaptées aux nouvelles réalités. Elles sont aujourd’hui, pour nombre d’entre elles, plus robustes qu’il y a cinq ans. “Suite à la crise sanitaire, nous avons, en collaboration avec les entreprises, les fédérations, les pôles de compétitivité, identifié les chaînes de valeur stratégiques pour la Wallonie dans une vingtaine de secteurs, explique Pascale Delcomminette. Nous avons pu repérer les maillons faibles afin de renforcer ces chaînes de valeur.”

Les seconds ont été intégrés par les entreprises où ils ne font depuis longtemps plus débat. Ils sont également fortement liés à l’actualité. En 2022, l’année qui avait suivi les grandes inondations ayant dévasté la vallée de la Vesdre, les dérèglements climatiques représentaient un impact négatif pour près de la moitié des répondants (47%), ils sont aujourd’hui un tiers (32%). “Cela ne signifie pas pour autant qu’ils délaissent cette question, précise Nabil Jijakli. Au contraire, je pense que les entreprises considèrent cette question comme primordiale et continuent à s’y préparer. La grande majorité d’entre elles sont bien conscientes qu’elles doivent agir et n’attendent pas pour cela des contraintes publiques. Cette question est toujours présente dans le chef des entrepreneurs mais elle a été dépassée par la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques.”

L’impayé : risque 
numéro un

Sans surprise, la facture non payée demeure le risque numéro un de l’exportateur, devant les risques politiques (guerre, révolutions), les catastrophes naturelles et la variation des taux de change. A l’exception du deuxième risque, qui a progressé de 27% à 33% en l’espace d’un an, les causes des dommages et pertes dus à l’exportation sont d’une stabilité remarquable. Les entreprises sont confrontées grosso modo aux mêmes risques, qui sont loin d’être négligeables puisque l’impayé concerne une entreprise sur quatre. Des risques qui augmentent selon les marchés que les entreprises prospectent. Il est clair que le risque est moindre en Europe que dans des pays lointains dont on maîtrise moins la culture et les usages locaux.

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“Nous notons que les exportations hors Union européenne sont reparties à la hausse.” – Pascale Delcomminette (Awex)

Les exportateurs en sont bien conscients et se prémunissent contre ce risque d’impayé en ayant recours à toute une série de mesures telles que le paiement à l’avance, la garantie bancaire, l’assurance-crédit ou encore le crédit documentaire. Seule une entreprise sur cinq ne se couvre pas. De ce point de vue, tant les banques que les assureurs-crédit jouent un rôle important, notamment en ce qui concerne la grande exportation où le risque grandit. L’Awex, avec ses conseillers économiques et commerciaux, est également un acteur essentiel en la matière, comme nous le décrit Pascale Delcomminette : “Nous effectuons au sein de l’agence une veille proactive sur les marchés extérieurs. Par exemple, nous sommes présents à Rebuild Ukraine, un salon qui se déroule tous les six mois à Varsovie et qui réunit les entreprises en vue de participer à la reconstruction du pays après la guerre.”

Les yeux tournés 
vers l’Amérique

Les entrepreneurs qui ont répondu au baromètre sont particulièrement inquiets d’un éventuel retour à la Maison-Blanche de Donald Trump en 2024 qui, pour près de 88% d’entre eux, aura pour conséquence d’augmenter les tensions géopolitiques. Suivent à plus de 80% le déclin de la qualité de l’enseignement en Belgique qui menace notre croissance, les craintes liées au cybercrime et aux fake news ainsi que les inquiétudes concernant les subventions américaines (Inflation Reduction Act). “Il est très clair que l’élection présidentielle américaine est un game changer, intervient Nabil Jijakli. Elle est naturellement considérée comme extrêmement importante pour tout le monde. En ce qui concerne l’intelligence artificielle, c’est à la fois le pire et le meilleur. Le pire avec le cybercrime ou les fake news ; le meilleur avec l’augmentation de la productivité et le développement de nouvelles technologies.”

“La qualité de l’enseignement est liée à la pénurie de main-d’œuvre. Si nous avons des postes vacants, c’est en partie à cause du manque de personnes formées. Si l’on parcourt les autres points, on note, et c’est normal, que les entrepreneurs estiment que nous devons entretenir de bonnes relations commerciales avec la Chine, tout comme avec les Etats-Unis.” Deux tiers des entreprises considèrent que les normes ESG sont un atout pour l’exportation. De prime abord, on pourrait penser que cela constitue un handicap par rapport à des pays comme la Chine ou l’Inde, sauf à considérer qu’il s’agit d’établir des règles identiques pour toutes les entreprises et éviter une sorte de dumping environnemental, permettant le développement et l’émergence de champions européens notamment dans l’éolien onshore et offshore, par exemple. En Belgique, on peut mentionner des sociétés comme DEME et Jan De Nul, actifs dans ce domaine ou encore John ­Cockerill qui investit dans l’hydrogène vert.

Retour à la grande exportation

Le regain de confiance manifesté par les répondants trouve sa traduction dans les exportations qui repartent à la hausse tant sur notre continent qu’en dehors. Sans surprise, les entreprises belges sont à 80% actives d’abord dans les pays limitrophes. “Nous notons que les exportations hors Union européenne sont reparties à la hausse, pointe Pascale Delcomminette, et nous retrouvons progressivement les chiffres que nous avions avant la crise du covid. Il y a une reprise sur la Chine, et plus globalement sur l’Asie en général. En 2023, les Etats-Unis, qui représentent notre premier marché hors Union européenne, marquaient un peu le pas, alors que nos entreprises ont enregistré la même année une forte croissance au Mexique qui est notre deuxième marché en Amérique latine après le Brésil.”

Pour 2024 et 2025, l’Awex a mis l’accent sur les pays nordiques (Danemark, Suède, Norvège, ­Finlande et Islande). Elle vient ainsi de mener une mission princière en Norvège où une soixantaine d’entreprises wallonnes étaient présentes. “Ce sont des marchés orientés vers l’innovation, la qualité et les nouvelles technologies, où nos entreprises actives dans les sciences du vivant ou encore le secteur des technologies propres ont une carte à jouer. Plus largement, en investissant dans le développement durable et en étant labellisées ESG, nos entreprises ont pu pénétrer de nouveaux marchés plus importants.”

Le baromètre est une enquête en ligne qui a été réalisée par Credendo et Trends-Tendances 
entre le 6 et le 26 mai 2024: 
1.064 personnes y ont répondu.

source : credendo/trends-tendances

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