Lille a accueilli ce samedi le Grand Départ du Tour de France 2025. Coût estimé : 8 millions d’euros. Il faut dire que depuis 20 ans, le départ du Tour a pris une nouvelle dimension pour devenir un évènement dans l’évènement.
Pour la troisième fois de son histoire (après 1960 et 1994), Lille a accueilli le départ de la 112ᵉ édition de la Grande Boucle. Jeudi, les 184 coureurs ont défilé sur la Grand-Place. Ce samedi ils se sont élancés pour 3339 km en 21 étapes. Un événement qui se prolongera jusqu’au 27 juillet. Une vitrine exceptionnelle pour la région. Certains n’ont pas hésité à comparer l’événement à une expo universelle.
Mais cette opération de prestige a un prix. Avec un budget global estimé à 8 millions d’euros (dont 4,2 millions versés à l’organisateur Amaury Sport Organisation (ASO)) il a fallu que trois collectivités s’associent. La Métropole de Lille, le département du Nord et la région Hauts-de-France ont chacun mis 1,4 million d’euros. Les autres frais techniques (voirie, aménagements routiers, barrières, sécurité, logistique), de communication, et de personnel supplémentaire à rémunérer ont été partagés entre les trois. C’est sensiblement plus qu’un départ d’étape classique facturé 100 000 euros ou 140.000 euros pour une arrivée par ASO.
Un modèle d’ «événementialisation» assumé
Il faut dire que depuis Londres 2007, le départ du Tour est devenu un événement à part entière. Des villes comme Copenhague (2022), Bilbao (2023) ou Florence (2024) ont investi jusqu’à 12 millions d’euros pour accueillir le peloton. Et même si ces villes peuvent espérer toucher de trois à six fois leur mise en recettes directes et touristiques, elles doivent tout de même avoir des finances solides.

Outre ce grand départ qui se mue chaque année un peu plus en un évènement dans l’évènement, les organisateurs se creusent aussi les méninges pour rendre le parcours et les étapes plus attractifs pour les spectateurs. Car une bonne partie de la manne vient des droits télévisuels et de la publicité. On ne voudrait pas que l’audience se lasse. Pour casser le peloton, qui n’offre comme seul suspense un sprint final ou un tour plié dès les premiers jours, le tracé du parcours est donc mûrement réfléchi. Les organisateurs tracent un parcours en zigzags, jouent avec la gravité en multipliant les côtes, insèrent à des moments stratégiques un contre-la-montre, et placent en finish des cols de montagne où se joue parfois le Tour ; ils ne laissent rien — ou presque — au hasard.
Visibilité internationale : le jackpot immatériel
La métropole du nord de la France parie sur un retour sur investissement qui ne se mesure pas uniquement en euros. Le Grand Départ, diffusé dans 190 pays, offre une exposition mondiale difficile à acheter par d’autres biais. Les dépenses engagées peuvent ainsi être perçues comme des coûts pour promouvoir la région. Ainsi en 2022, selon l’Observatoire du tourisme de la métropole lilloise, lorsque la ville a servi de départ de la 5ᵉ étape du Tour de France, c’est pas moins de 3,4 millions d’euros qui avaient été injectés dans l’économie locale. En 1994, lors de son dernier Grand Départ, Lille avait accueilli près d’un million de spectateurs.
Une économie ancrée dans le cyclisme
À Lille, ce départ s’inscrit dans une stratégie plus large : accueillir des événements sportifs pour renforcer son attractivité à l’international. À ce titre, le Tour est un maillon supplémentaire après l’Euro 2016, les JO 2024 ou encore la Coupe du Monde de rugby 2023. La ville et sa région sont historiquement ancrées dans le cyclisme. Entre le siège opérationnel de Cofidis au nord et le B’Twin Village de Decathlon au sud-est, Lille abrite deux acteurs majeurs de la filière. L’événement permet aussi de renforcer un tissu industriel et technologique local autour de l’innovation dans le vélo.
Le Tour sert aussi de levier politique. La MEL (Métropole Européenne de Lille) investit 100 millions d’euros dans le développement de son réseau cyclable entre 2020 et 2026. Avec son système de vélos partagés V’Lille et l’introduction de “vélorues”, la collectivité mise sur une transformation progressive des usages.
La difficile question de rentabilité
Reste la question de la rentabilité. Les retombées immédiates (tourisme, consommation locale, médiatisation) sont significatives, mais ponctuelles. Comme déjà signalé, pour Lille, le Grand Départ est donc moins une opération commerciale qu’un investissement en capital symbolique. Le retour se mesure en notoriété, en image, en influence. Dans une économie toujours plus concurrentielle, la visibilité territoriale devient un actif à part entière. Mais, sur le long terme, l’impact dépendra de la capacité des acteurs locaux à capitaliser sur cet élan.
En attendant, les prochains sur la liste du Grand Départ – Barcelone (2026) et Edimbourg (2027) – se sont glissés dans les rues de Lille pour s’inspirer et espérer faire encore mieux.
Le Tour de France, 3e événement sportif de la planète, en quelques chiffres économiques
Budget d’organisation : Environ 150 M€
Retombées pour une ville-étape : Entre 1 et 5 M€ selon la taille et l’étape
Spectateurs sur le parcours : Environ 12 millions chaque année
Diffusion TV : +190 pays, 3,5 milliards de téléspectateurs cumulés
Tourisme local : Jusqu’à 25 % de hausse d’activité pendant l’événement
Caravane publicitaire : 160 véhicules, 12 millions d’échantillons distribués
Nombre de sponsors officiels : 33 à 35 sponsors officiels, soit 23 sponsors-titre plus une douzaine de co-sponsors actifs. Certains sponsors investissant plusieurs millions d’euros
Impact économique global estimé : 150 à 200 M€ par édition