Entre nouvelle stratégie américaine, déclarations fortes de Donald Trump et menaces directes de Moscou, il se confirme que les deux puissances veulent faire éclater l’Union européenne. Via un soutien aux souverainistes et une guerre hybride. Notre réaction reste timide.
Pour qui oserait encore en douter, l’Europe est bien la cible de la Russie par-delà la guerre en Ukraine. “Cette guerre ne prendra fin que lorsque nous aurons infligé à l’Europe une défaite morale et politique“, vient de déclarer Sergueï Karagonov, qui dirige le Conseil de sécurité et de défense.
“Cette guerre a déjà commencé, a précisé ce proche du président russe, Vladimir Poutine, lors d’un entretien télévisé. Simplement, nous ne l’appelons pas encore ainsi. Nous entrons en guerre contre l’Europe et non contre la malheureuse Ukraine, misérable et manipulée.”
Sergueï Karagonov dénonce “ces élites européennes qui ont aujourd’hui perdu la raison” qui poursuivent “une course folle à la guerre mondiale”. Et d’ajouter: “Il n’est pas certain que nous puissions parvenir à une paix stable et définitive, à une stabilisation profonde de la situation car l’Europe finira pas se désagréger et redevenir ce qu’elle a toujours été: un dépotoir d’États qui se font la guerre en permanence.”
Malheureusement, il n’est plus seul à l’exprimer. Le camp occidental se déchire ouvertement.
“Ces Européens faibles”
Ces propos d’une violence inouïe font écho au changement de stratégie américaine et aux propos à l’emporte-pièce du président Donald Trump. Le président russe a d’ailleurs affirmé que ce changement de cap allait “globalement dans la direction” de la vision russe.
Dans leur nouvelle stratégie, les États-Unis disent que l’époque où les États-Unis soutenaient l’ordre mondial, “comme Atlas” dans la mythologie grecque, est terminée. Avec des mots très durs à l’encontre de l’Europe: continent en déclin, étouffé par la régulation, menacé par la migration, la chute de natalité, la “censure”, la répression de l’opposition. Il va jusqu’à dire que l’Europe pourrait être méconnaissable en vingt ans: une “perte d’identité nationale”.
Dans un entretien sans frein à Politico, Donald Trump appuie, en parlant des dirigeants européens: “Je pense qu’ils sont faibles, mais je pense aussi qu’ils veulent être tellement politiquement corrects. (…) Je pense qu’ils ne savent pas quoi faire”. Ou encore: “L’Europe prend certaines mauvaises directions, c’est très mauvais, très mauvais pour les gens. Nous ne voulons pas que l’Europe change autant.”
Vous voulez une illustration? “J’adorais Paris. C’est un endroit très différent de ce qu’il était. Si vous regardez Londres, vous avez un maire nommé Khan. C’est un maire horrible, vicieux, dégoûtant.”
Le narratif américain rejoint le narratif russe et vient en soutien aux souverainistes en forte progression dans plusieurs pays européens, dont le trio qui est en pointe dans le soutien à l’Ukraine: France, Allemagne, Royaume-Uni.
Un “effacement civilisationnel”
En Belgique, le débat rebondit également. En couverture, la DH ne fait pas dans la dentelle en affirmant: “Bouchez donne raison à Trump“, en évoquant “un effacement civilisationnel”.
Le président du MR ne mâche pas ses mots, une nouvelle fois: “Il y a une immigration complètement incontrôlée d’un côté et de l’autre côté, le wokisme, des mouvements de gauche qui considèrent qu’on devrait complètement s’effacer pour ne heurter personne. Sauf qu’à l’arrivée, ceux qu’on heurte, c’est simplement la majorité de la population et ceux qui étaient déjà présents. Qui peut dire que ça n’existe pas ? Qui peut dire que c’est faux ? C’est le quotidien aujourd’hui.”
Le libéral a d’ailleurs revendiqué cette “guerre culturelle” dans la récente polémique sur la crèche de la Grand-Place et ses personnages en chiffon.
La polarisation de nos paysages politiques est effective. Georges-Louis Bouchez tente de capturer ce populisme ambiant au service d’une droite populaire, mais démocratique. Ailleurs en Europe, l’extrême droite a le vent en poupe.
Ces évolutions fragilisent en effet les Etats européens au profit d’un axe Moscou – Washington de plus en plus apparent, comme en témoignent les bases de la médiation US en Ukraine.
Tout cela, il est vrai, est écrit depuis des mois, voire des années. Le vice-président américain, J.D. Vance, n’évoquait-il pas à Munich, en février 2024, “le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, valeurs partagées avec les Etats-Unis d’Amérique”?