Labour au pouvoir : les riches et le secteur financier vont-ils fuir le Royaume-Uni ?
Nouveau gouvernement, nouvelles taxes. C’est un peu ce que se disent les riches Britanniques. Certains songent à quitter le pays après la victoire de Labour. Mais il n’y a pas qu’eux. Le secteur du capital-investissement pourrait aussi être lourdement touché par l’impôt, et voir un grand exode des talents.
Un gouvernement de gauche fait-il fuir les riches ? C’est une menace souvent brandie par les plus fortunés lorsque se profile l’arrivée de tel ou tel parti, avec lequel ils sont en désaccord, au pouvoir. C’était par exemple le cas avant les récentes élections en France, comme on a pu le voir dans plusieurs micro-trottoirs. Certains riches Français se sont effectivement renseignés pour s’expatrier en Belgique – des gestionnaires de patrimoines constataient en effet une hausse des demandes d’informations.
C’est souvent une menace un peu caricaturale, dite comme signe de mécontentement face aux politiques, annoncées ou imaginées, du parti qui arrive (potentiellement) au pouvoir. Bon nombre de ressortissants ne joignent pas les paroles à l’acte.
Victoire de Labour… et décuite du private equity ?
Au Royaume-Uni, le parti travailliste Labour a remporté les élections, le 4 juillet. Une victoire écrasante : 411 sièges sur les 650 que compte le House of Commons. Cette configuration pourrait-elle alors faire fuir les Britanniques les plus fortunés ? Il se pourrait en effet que certains passent le cap.
C’est une mesure en particulier, sur laquelle Labour a fait campagne, qui dérange les personnes concernées. “Le private equity (entreprises privées qui émettent des actions, non cotées en bourse, NDLR) est le seul secteur où la rémunération liée à la performance est traitée comme un revenu mobilier”, indique le programme du parti qui veut supprimer cette niche. Le revenu mobilier est taxé à hauteur de 28%, mais l’imposition passerait alors à 45%, selon CNBC.
Ce qui serait un coup dur pour ceux qui sont rémunérés de la sorte, mais aussi, plus largement, le secteur du private equity, ou capital-investissement. “Si de nombreux professionnels du capital-investissement déjà établis resteront à Londres, les nouveaux professionnels de haut niveau – dont beaucoup seront des expatriés – seront sensibles à la modification de l’impôt”, explique Lars Faeste de FTI Consulting au média américain. “De nombreux professionnels du capital-investissement ont une attache légère et sont des citoyens du monde, ce qui signifie qu’ils peuvent tout simplement partir.”
Ce qui amène une difficulté : de retenir, ou d’attirer, des talents. Et cela dans une période dans où le secteur traverse déjà quelques turbulences. La hausse des taux d’intérêt de ces deux dernières années, après une longue période de taux très bas, a pesé sur les affaires et des valorisations ont chuté. Londres, connue comme capitale de la finance, perd déjà un peu de son lustre depuis le Brexit. La City pourrait donc davantage perdre ce statut.
Où est-ce que l’herbe est plus verte ?
C’est une taxe parmi d’autres qui reste en travers de la gorge des personnes fortunées. Une autre est la TVA que Labour veut ajouter aux frais d’entrée des écoles privées – qui sont déjà très chères à la base. Le parti de Keir Starmer veut aussi supprimer une niche appelée “non-dom“. Les personnes vivant au Royaume-Uni, mais dont la résidence fiscale est dans un autre pays, doivent uniquement payer des impôts sur leurs revenus issus du Royaume-Uni. Les revenus étrangers ne sont donc pas taxés. Ce qui veut dire qu’aller se domicilier fiscalement ailleurs, tout en restant résident du Royaume-Uni, ne pourra pas être une solution pour ceux qui veulent “fuir” le pays.
Mais vers où les riches pourraient-ils partir ? L’Italie serait un choix très populaire. Le juriste fiscaliste italien Marco Cerrato explique ainsi à CNBC qu’il y a une “hausse radicale” de demandes d’informations de la part de citoyens Britanniques. C’est que l’Italie applique une taxe forfaitaire sur les revenus étrangers des expats. Milan pourrait ainsi se distinguer et devenir la nouvelle Londres – certains de fonds de capital-investissement ont d’ailleurs déjà ouvert des filiales.
Mais le secteur se veut néanmoins optimiste, et espère être entendu par le nouveau gouvernement. Ce dernier a déjà annoncé des exceptions sur cette nouvelle taxe des rémunérations : si quelqu’un investit son propre capital, sa rémunération pourra toujours être vue comme un revenu mobilier, rétropédale la ministre des Finances, Rachel Reeves.
Exode des millionnaires
Voilà pour le secteur de la finance, et les riches qui le composent ; ce n’est effectivement pas l’épargnant lambda qui va pouvoir placer son capital dans le private equity, et les revenus dans le domaine sont normalement conséquents. Mais il y a encore d’autres personnes fortunées, issues d’autres milieux.
Et ces dernières années, de nombreux millionnaires quittent le pays. C’est ce que montre un récent rapport de Henley. En 2024, 9.500 d’entre eux devraient partir. En 2023, ils étaient 4.200 et 1.600 en 2022. C’est le deuxième pays au monde à perdre le plus de millionnaires pour raisons d’émigration. Le rapport, publié en juin, indiquait que ces millionnaires levaient le camp car les politiques fiscales étaient devenues moins accommodantes, ces dernières années. Il notait qu’une victoire de Labour pourrait accentuer la chose. Il n’est donc pas impossible qu’un certain nombre de riches décident de partir du Royaume-Uni.
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