La guerre de l’ombre menée par la Russie va-t-elle priver l’Europe d’électricité ou d’internet ?
Un nouveau câble vient d’être endommagé dans la mer Baltique. Une guerre hybride sournoise semble cibler les infrastructures de l’occident. Un sabotage qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour nos sociétés interconnectées. Une simple menace ou un avant-goût d’une confrontation directe en 2028 ?
“Il est possible que nous soyons privés d’électricité ou d’Internet pendant une longue période.” Cette mise en garde, émanant de responsables en sécurité dans De Morgen, illustre une nouvelle forme de menace dans le contexte de la guerre hybride menée par la Russie contre l’Occident. Une guerre discrète, mais efficace, qui cible des infrastructures critiques, comme les câbles sous-marins qui alimentent nos sociétés en énergie et en données.
Le sabotage sous-marin : une arme redoutable
Dans les pays baltes et en Scandinavie, les incidents se multiplient. Fin novembre, le cargo chinois Yi Peng 3 est soupçonné d’avoir rompu trois câbles entre l’Allemagne, la Finlande, la Suède et la Lituanie en traînant son ancre sur le fond marin. Plus tôt, le porte-conteneurs Newnew Polar Bear, en provenance de Hong Kong, aurait endommagé des câbles de gaz et de télécommunication reliant la Suède, l’Estonie et la Finlande. Le cas le plus grave s’est produit à Noël 2024. Le pétrolier russe Eagle S a ralenti brusquement dans le golfe de Finlande. Peu après, des perturbations ont été détectées sur le câble électrique EstLink 2, reliant la Finlande à l’Estonie. Une enquête révèle qu’un ancrage aurait endommagé ces câbles vitaux.
Dimanche matin encore, un câble de fibre optique reliant l’île suédoise de Gotland à la ville lettone de Ventspils a été endommagé. Les services de sécurité occidentaux soupçonnent ces navires, se rendant dans des ports russes, d’avoir intentionnellement causé des dommages. Pourtant, les Russes nient systématiquement leur implication.
Quand l’ambiguïté sert les intérêts russes
Un article du Washington Post (daté du 19 janvier) jette toutefois le trouble. Selon des sources de renseignements européens et américains, cité par le quotidien, les incidents seraient des “accidents maritimes” sans preuve d’intentions malveillantes. Pourtant, cette hypothèse d’une série de coïncidences va à l’encontre des analyses officielles. Tout comme la séquence, le moment et l’emplacement des dommages sont pour le moins troublants. D’autant plus que cela fait des années que la Russie utilise des navires de reconnaissance et des outils sophistiqués pour cartographier ces infrastructures dont le trajet exact n’est pas rendu public.
Et puis c’est là tout l’art des opérations hybrides : elles laissent rarement des preuves tangibles, tout en semant le doute et la peur. Peu importe d’ailleurs l’implication réelle de Moscou, le Kremlin sort gagnant, car il exploite la vulnérabilité des infrastructures modernes pour affaiblir la confiance et renforcer les tensions au sein de l’Occident.
Une fragilité mise en lumière
Accidents ou sabotages, ces incidents révèlent la faiblesse des câbles sous-marins, qui assurent 97 % des communications mondiales et transportent des données cruciales. Leur interruption pourrait paralyser des secteurs entiers, de la finance à la santé. Pourtant, ces infrastructures, souvent enfouies sous le sable ou exposées en profondeur, sont extrêmement vulnérables.
Réactions occidentales : vigilance accrue
Conscients du danger, les pays de l’Otan ont renforcé leur surveillance des mers Baltique, du Nord et de l’Atlantique avec des patrouilles aériennes, maritimes et des drones.
Dimanche, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a immédiatement fait part de sa “solidarité totale” avec les pays touchés par les dommages sur le câble letton. “La résilience et la sécurité de nos infrastructures critiques sont une priorité absolue”, a-t-elle souligné sur le réseau social X.
Face à une menace de moins en moins voilée, les pays de l’OTAN devraient aussi porter leurs efforts de défense à 3,5 % de leur PIB selon Mark Rutte. Pour pouvoir faire face à une attaque russe, peut-être dès 2028 ?
Une menace de guerre ouverte ?
Les politiciens et les généraux européens craignent en effet que Poutine ne vise l’OTAN si la guerre en Ukraine venait à prendre fin. Les trois États baltes, en particulier, considèrent qu’il s’agit là d’un danger réel. Selon certains experts, la Russie a tiré les leçons de la guerre en Ukraine et pourrait réarmer son armée plus rapidement qu’on ne le pense. Elle pourrait même surclasser les pays de l’OTAN et envisager une attaque à partir de 2028.
De nombreux éléments montrent que la Russie n’a pas délaissé ses velléités belliqueuses envers l’occident. Moscou n’est en effet pas très discrète sur ses projets militaires. Elle souhaite ainsi porter l’armée à 1,5 million de soldats. Mais pour cela il faut d’abord que la guerre cesse, précise Yuri Fedorov, un expert russe qui a réalisé une étude détaillée des capacités militaires de la Russie pour l’Institut français des relations internationales. Cela nous amène bien sûr à la constatation qu’un éventuel accord de paix en Ukraine pourrait donner à Poutine les moyens d’attaquer un pays de l’OTAN. Mais faut-il encore qu’il ose. La vraie réponse c’est que personne ne peut prédire les réactions d’un Poutine qui s’est radicalisé.
Une impasse stratégique
Quoi qu’il en soit le discours de plus en plus guerrier de chaque côté complique les choses. La rupture de confiance entre Moscou et l’Occident est telle que cela plonge le monde dans un dilemme sécuritaire qui nourrit la spirale guerrière. Trump pourra-t-il forcer une percée? Aussi improbable que cela puisse paraître, avec sa propre imprévisibilité, il pourrait bien ouvrir une fenêtre d’opportunité qu’il serait dommage de laisser passer.
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