La France ingouvernable, sauf à réussir une coalition à la belge, mais c’est mal parti

Jean-Luc Mélenchon, triomphant dimanche soir.
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Une majorité d’extrême droite a été évitée. Mais la victoire du Nouveau Front Populaire, l’absence de la majorité et l’attitude de la France Insoumise posent des défis tout aussi importants.

Un soulagement et une foire d’empoigne. La France démocrate a respiré, dimanche soir? à l’issue du second tour de l’élection présidentielle: le front républicain a bel et bien permis d’éviter une majorité, à fortiori absolue, du Rassemblement National.

En une semaine, la situation s’est renversée: le Nouveau Front Populaire arrive en tête avec 182 sièges, devant le parti présidentiel Ensemble avec 168 sièges et un RN en troisième position avec 143 sièges. Le président français, Emmanuel Macron, espérait “clarifier” les choses avec la dissolution de l’Assemblée Nationale, il se retrouve avec un parlement sans majorité absolue et une situation plus confuse encore.

La constitution d’une “coalition” à la belge semble la seule issue. Cela prendra du temps, d’autant que cela n’est pas dans la culture française. La soirée électorale en a témoigné.

Une France Insoumise hors-sol

Le premier à prendre la parole pour réclamer qu’on confie le poste de Premier ministre à son “bloc” ne fut autre que Jean-Luc Mélenchon, chef de fil décrié de la France Insoumise. Tout au long de la soirée, les responsables du parti qui restent dans sa ligne ont défilé pour réclamer l’application de “notre programme et rien que notre programme”: suppression de la réforme des retraites, “choc du pouvoir d’achat” avec augmentation du Smic, justice fiscale avec taxation des riches et autres. Mais tous semblaient oublier qu’une telle radicalité ne correspondait pas à une majorité relative.

Les voix les plus “sages” n’étaient pas en reste. François Hollande, qui fut tout de même président de la République, appelle au sursaut démocratique, mais en estimant que… tout devra désormais être réglé par le parlement. Comme s’il actait l’impossibilité de former un gouvernement.

Dans le même temps, des fissures importantes étaient perceptibles au sein de ce Nouveau Front Populaire. Au sein de LFI, des figures importantes comme François Ruffin et Clémentine Autain ont annoncé leur rupture avec Jean-Luc Mélenchon. Les expressions du PS sont davantage préparées au compromis. Mais la tonalité est à la volonté de prendre la main. “Nous allons gouverner”, s’est réjoui Marine Tondelier, chef de file écologistes, qui s’est forgé un nom durant cette campagne.

Reste à savoir comment…

Gabriel Attal pour les JO?

Le Premier ministre sortant, Gabriel Attal, remet ce lundi sa démission au chef de l’État. Mais il s’est déjà déclaré disponible pour gouverner le temps qu’une solution soit trouvée. On l’a dit, cela risque de prendre du temps. “Pas avant les Jeux olympiques, peut-être même pas avant les Jeux paralympiques”, estiment les analystes. Autrement dit, Gabriel Attal devrait rester à la tête d’un gouvernement “en affaires courantes” pour cette période cruciale.

Au sein du parti présidentiel Ensemble, on se félicite d’avoir limité les dégâts à l’issue du second tour. Et l’on se dit déterminé à “trouver une solution”. C’est le retour à la case départ de majorités de circonstance, mais en composant avec un bloc de gauche majoritaire.

Les prochaines semaines seront-elles susceptibles de décanter la situation en forgeant une “coalition de salut national” avec tous ceux qui sont prêts au compromis? Cela semble difficile à imaginer au vu des exigences des uns et des autres ou des grands écarts sur le plan économique.

Le RN en embuscade

S’il dénonce une “victoire volée” par le front républicain et s’il dénonce les oppositions qui se font jour à gauche, le Rassemblement National reste en embuscade. Message: la France est majoritairement à droite, mais les électeurs se réveillent avec une majorité de gauche, c’est à n’y rien comprendre. D’ailleurs, précisent-ils, si l’on fait fi des blocs, le RN est bel et bien le premier parti de France. De quoi revendiquer de prendre la main, même si cela paraît davantage une posture qu’autre chose.

Le parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella espérait gouverner avec une majorité absolue, il se retrouve à nouveau dans une opposition féroce. Pas sûr qu’il y perde forcément au change: l’ère chaotique qui s’ouvre pourrait nourrir son discours en vue des présidentielles de 2027.

Car Emmanuel Macron sème ce qu’il a récolté: il devra faire preuve d’intelligence tactique pour sortir de la situation par le haut. Le risque est réel qu la France soit ingouvernable et que les motions de défiance se multiplient à l’égard de gouvernements minoritaires.

À moins que la France ne s’inspire de l’exemple belge.

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