La France fonce vers le chaos et les marchés s’inquiètent

Michel Barnier,
Illustration
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Ce mercredi ou ce jeudi, à moins d’un miracle, le gouvernement français piloté par Michel Barnier devrait être renversé par une motion de censure. Son projet de loi financier sur le budget 2025 est en effet retoqué tant par la gauche et l’extrême gauche du NFP que par l’extrême droite du RN, et la conséquence logique est un vote de défiance du gouvernement actuel.

Cette éventualité est prise en considération depuis un certain temps par les marchés financiers. Deux indices le montrent. D’une part, l’écart grandissant entre les taux allemands et les taux français. Avant la dissolution de l’Assemblée nationale et les élections législatives du début de l’été, cet écart était de 40 points de base (0,4%). Il est aujourd’hui à 90 points. L’inspection des Finances française a calculé que pour le budget de la France, toute chose restant égale,  une hausse des taux de 100 points de base (1%) devrait se traduire par un surcroît de charges d’intérêt qui irait en grandissant, passant de 2,6 milliards d’euros la première année à 32,6 milliards d’euros la dixième année.

Bourse en berne

L’autre indice de défiance des investisseurs est la pauvre performance de la Bourse française. Sur un an, le CAC 40 affiche une baisse de plus de 3% alors que le DAX allemand, malgré les problèmes de l’économie outre-Rhin, est en hausse de 20% et que notre BEL 20 national a progressé de 15%. On pourrait s’interroger : pourquoi la crise politique en Allemagne n’a-t-elle pas les mêmes répercussions qu’en France ? Tout simplement parce que la stabilité gouvernementale allemande n’est pas inquiétée : d’une part, après les élections législatives prévues en février 2025, il y a de grandes chances de voir la CDU, les sociaux-chrétiens allemands, revenir au pouvoir et mener une coalition avec comme partenaire un SPD affaibli. Ensuite si jamais les élections ne désignaient pas de vainqueur et si une situation à la française apparaissait, la constitution allemande prévoit qu’une motion de censure pour abattre le gouvernement en place ne peut être que constructive. Autrement dit, un gouvernement ne peut tomber que si ceux qui s’y opposent peuvent le remplacer illico par un nouveau.

En France, une motion de censure faisant tomber le gouvernement devrait très probablement pousser le Parlement français à voter une loi spéciale de financement qui permettrait de lever l’impôt et reconduirait les mesures budgétaires de 2024. Cela signifierait que les mesures envisagées par le gouvernement Barnier pour redresser les comptes publics ne seraient pas prises.

Un déficit de 5,3% du PIB

Petit rappel : le déficit public français est de 6,1% du PIB cette année, et Michel Barnier comptait, avec 30 milliards d’euros de mesures, le ramener à 5% l’an prochain. Mais une motion de censure gèlerait aussi automatiquement les dépenses de l’Etat, qui ne seraient plus indexées. Le budget Barnier prévoyait une hausse de la dépense publique de 3%. L’un dans l’autre, les économistes français estiment qu’avec la censure, le déficit budgétaire serait de 5,3% du PIB l’an prochain. Ce qui n’éviterait pas à la France la honte de la dégradation de sa note financière par les agences de rating, ni la poursuite du processus enclenché par la Commission européenne pour déficit excessif, ce qui pourrait, dès la fin de l’an prochain, se chiffrer par une amende de 1,5 milliard d’euros par semestre de retard dans la mise en œuvre de mesures correctrices.

Des secteurs importants de l’économie, comme l’agriculture et l’immobilier, devraient particulièrement souffrir car les mesures de soutien ciblant ces secteurs et préparées par le gouvernement français ne pourront pas être prises.

Et plus généralement, la hausse des taux va handicaper les entreprises, qui emprunteront plus cher, et les institutions financières, qui verront leur stock de dettes se déprécier et le marché des nouveaux crédits se rétrécir.

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