La France euphorique des Jeux sera-t-elle la France de 1998, désillusion comprise?

Léon Marchand, médaillé cinq fois en natation, célébré au Club de France.
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’atmosphèree est magnifique autour des jeux. “C’est pas foutu, on peut être heureux ensemble”, dit Anne Hidalgo, maire de Paris. En 1998, la victoire à la Coupe du monde de football avait sacré la France black-blanc-beur. Mais deux ans après, l’extrême droite entamait sa progression…

La France vit une parenthèse dorée avec des Jeux olympiques qui sont à la fois un succès sportif, avec un record de médailles pulvérisé, et populaire. Plutôt grincheux à la perspective de recevoir l’événement planétaire, les Parisiens sont conquis par l’atmosphère bon enfant de ces arènes sportives où résonne le “Que je t’aime!” de Johnny. Quelque chose aurait changé dans la République de France…

Anne Hidalgo (PS), maire de Paris, se félicite: “Il se produit quelque chose d’incroyablement positif, et même de bonnes nouvelles, je trouve, pour l’humanité, parce qu’il y a une connexion qui se fait entre les gens, sur quelque chose, où ils disent : c’est pas complètement foutu, on peut être ensemble et être heureux ensemble, on peut prendre plaisir à rencontrer des gens tellement différents de soi.” C’est vrai et cela fait du bien à un pays qui voguait d’une crise à l’autre, des Gilets jaunes au Covid, des protestations de l’ultra-gauche aux victoires de l’extrême droite.

Le président français, Emmanuel Macron, enlace le judoka Teddy Riener. Le nageur Léon Martin et le pongiste Félix Lebrun enthousiasment les foules. La crise politique a disparu des radars. “Paris est redevenue une fête“, s’exclame le New York Times. “La France semble avoir pris des vacances d’elle-même”, écrit joliment El Pais. Et pourtant…

Le bon et… le mauvais souvenir de 1998

En 1998, avec la première victoire de la France en Coupe du monde de football, le pays avait célébré ses champions “black-blanc-beur”, symboles d’une intégration réussie. Le président de l’époque, Jacques Chirac, avait surfé sur la vague en reçevant les sportifs à l’Elysée, avant une fête sans précédent. C’est une équipe dans laquelle “tous les jeunes se reconnaissent”, s’exclamait-il.

“Comme pendant l’été du Mondial de foot 1998, le pessimisme n’est soudain plus de mise dans le débat public”, salue le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. Avant de rappeler: “L’euphorie suscitée par la Coupe du monde de 1998 a été suivie dans les urnes par la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002″.

A l’ouverture du sacre avait succédé un repli sur soi, une crainte en l’avenir et, même en football, les années amenèrent des déceptions, comme cete zizanie au sein de l’équipe, lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud, ou les polémiques sur l’intégration de certains joueurs, dont Karin Benzema. Depuis, l’extrême droite ne cesse de progresser.

Les polémiques révélatrices

Cette fois, le contexte est différent: la dissolution de l’Assemblée nationale a porté le Rassemblement National à de nouvelles hauteurs, tout à lui opposant un Nouveau Front Populaire. Le résultat est un pays au bord de l’ingouvernabilité, avec un gouvernement en affaires courantes et un président accusé d’être dans le déni, refusant de nommer un nouveau Premier ministre. Heureusement, jusqu’ici, cela ne se ressent pas dans l’organisation de l’événement, saluée de toutes parts.

Durant ces Jeux, des polémiques sont toutefois là pour rappeler que les intolérances et es polarisations sont bien vivantes. Ce fut le cas lors d’un cérémonie d’ouverture largment saluée comme étant un spectacle sans précédent, mais rejetée par certains pour son “wokisme” prononcé avec des scènes provocatrices jugées “totalement méprisantes” par chrétiens conservateurs. D’autres débats, notamment celui organisé contre une championne de boxe algérienne au taux de testostérone masculin, ont défrayé la chronique.

Anne Hidalgo dénonce l’activisme de la “planète réactionnaire et d’extrême droite”. “Il y a à la fois de l’admiration pour cette ville incroyable, que pas grand monde ne comprend, et en même temps l’orchestration d’une détestation de Paris. Pourquoi ? Parce que Paris, c’est la ville de toutes les libertés, la ville refuge des LGBTQI +, la ville où on vit ensemble, une ville où il y a une femme maire, de gauche, en plus d’origine étrangère et binationale, en plus féministe et écologiste.”

Attention, toutefois, à un constat relevé par la presse française: si Paris est en fête, d’autres villes du pays ne vivent pas au même rythme des jeux. Comme si la fracture était toujours bien présente.

Le forcing Cazeneuve et Bertrand, Marine Le Pen attend son heure

Les lendemains de la veille seront-ils cruels? La polarisation et les vindictes extrêmes vont-elles revenir en force? C’est plus que probable. En coulisses, le blocage politique continue à faire son oeuvre. Lucie Castets, candidate Première ministre auto-proclamée par le Nouveau Front Populaire, continue à mener campagen en espérant que le président “prenne ses responsabilités”.

Emmanuel Macron garde la main et plaide pour un compromis entre les forces républicaines. Dans la torpeur de l’été, certains regardent d’un oeil attentif les multiples déclarations de Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre socialiste, appellant à la responsabilté et affirmant que “l’on n’est jamais là que pour servir l’Etat”. Il se dit prê à un gouvernement d’entente “prenant en compte les préoccupations de la gauche”. Et s’il était tenté par Matignon, quitte à faire grincer des dents à gauche de la gauche?

Ce n’est pas le seul. “Je serai toujours prêt”, a signalé le républicain Xavier Bertrand. La probabilité d’un gouvernement avec la droite républicaine autour de certaines priorités stratégiques est évoquée.

Durant cette trève olympique, Marine Le Pen ne dit pas le moindre mot. Elle se tient en réserve et attend son heure. Car après l’euphorie des Jeux, le retour à la réalité sera probablement difficile. Comme en 1998, les beaux mots pourraient laisser la place à l’amertume retrouvée. Or, le Rassemblement National s’est désormais posé comme la seule alternative d’opposition crédible.

Il reste six jours d’euphorie à ne pas gâcher.

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