La directrice de l’OMC met en garde: “Nous espérons ne pas revenir au protectionnisme des années 1930”

Le commerce mondial traverse une période mouvementée, affirme la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Dr Ngozi Okonjo-Iweala dans un long entretien à la BBC.

Le commerce mondial “ne traverse pas la meilleure des périodes en ce moment”. C’est l’aveu – en mode euphémisme – de la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Dr Ngozi Okonjo-Iweala. “Nous observons un protectionnisme croissant, un certain affaiblissement des règles de l’OMC, et cela conduit à une fragmentation,” explique-t-elle dans un long entretien accordé à la BBC.  

Les tensions commerciales ont été exacerbées ces derniers temps par des mesures récentes de l’Union européenne et des États-Unis visant les importations de véhicules électriques chinois. L’UE a imposé des droits de douane provisoires allant jusqu’à 37,4 % sur ces véhicules, tandis que les États-Unis ont introduit des droits de douane de 100 % au mois de mai. Les deux blocs accusent la Chine de subventionner de manière déloyale son secteur des VE, permettant ainsi aux producteurs chinois d’exporter à des prix injustement bas, menaçant les emplois en Occident. 

Le président américain Joe Biden a également augmenté les taxes sur une variété d’autres produits chinois, notamment les batteries de VE et les puces informatiques. Parallèlement, les États-Unis investissent massivement dans les technologies vertes à travers l’Inflation Reduction Act, visant à réduire la dépendance aux importations chinoises.  

Baisse du commerce mondial 

L’OMC a indiqué que l’année dernière, le volume du commerce mondial a diminué pour la troisième fois en 30 ans, avec une baisse de 1,2 % attribuée à l’inflation élevée et aux taux d’intérêt, rapporte la BBC. Cependant, une reprise est prévue pour cette année. Gita Gopinath, première directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (FMI), a noté que les récents chocs, tels que la pandémie et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont fondamentalement transformé les relations commerciales mondiales. Elle a expliqué que de plus en plus de pays sont désormais guidés par des préoccupations de sécurité économique et nationale dans leurs choix commerciaux. 

Cette situation pousse de nombreux pays à choisir entre renforcer leurs liens économiques avec les puissances occidentales ou avec un axe Chine-Russie. Le Dr Okonjo-Iweala de l’OMC s’inquiète de cette “fragmentation émergente” dans les données commerciales, observant que “le commerce entre blocs de même esprit croît plus rapidement que le commerce entre ces blocs.” Elle avertit que “cela coûtera cher au monde” si cette tendance persiste, estimant le coût à 5 % de l’économie mondiale.

Le trafic maritime réduit 

En plus des tensions commerciales, d’autres obstacles perturbent le commerce mondial, comme la réduction du nombre de navires traversant le canal de Panama en raison d’un manque de pluie. Les attaques continues des rebelles Houthis sur les navires commerciaux dans la mer Rouge réduisent également le trafic à travers le canal de Suez de 90 %. Rolf Habben Jansen, directeur général du géant allemand du transport maritime Hapag-Lloyd, déclare à la BBC que cette perturbation signifie que les tarifs facturés par son entreprise ont augmenté de 30 % à 40 %. Le Dr Okonjo-Iweala souligne que ces coûts supplémentaires “se répercutent finalement” sur les consommateurs, ce qui pourrait être “préjudiciable pour eux.” 

Eviter le protectionnisme des années ’30

Malgré ces défis, elle affirme que le commerce mondial a montré des signes de résilience et que l’OMC peut aider les pays à résoudre leurs différends. Elle admet également que certaines règles de l’OMC devront être révisées pour relever le défi du changement climatique. Concernant l’utilisation accrue des droits de douane, la directrice de l’OMC ajoute : “Nous espérons ne pas voir une répétition de ce que nous avons vu dans les années 1930. Nous avions des droits de douane de représailles, et tout a décliné à partir de là et tout le monde a perdu.” Elle conclut dans cette interview au média britannique: “J’espère vraiment que nous n’entrerons pas à nouveau dans ce genre d’ère.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content