La Cedeao, une institution plus politique qu’économique

Manifestation pro-russe à Niamey. (Photo by AFP)

La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) donne, sans exclure une intervention militaire, la priorité à la diplomatie pour résoudre la crise au Niger. Un sommet de la Cedeao doit se tenir jeudi à Abuja, la capitale nigériane. L’occasion de faire le point sur cette institution créée en 1975.

Le régime militaire issu d’un coup d’Etat au Niger semble toujours insensible aux offres de négociations. Mardi, une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine et des Nations unies n’a pu se rendre dans le pays sahélien, a confirmé en soirée l’organisation régionale. Le report de la visite de la délégation ouest-africaine s’ajoute à un autre signe de défiance des nouveaux dirigeants nigériens: la nomination lundi soir d’un Premier ministre civil, Ali Mahaman Lamine Zeine, qui apparaît comme la première étape vers la désignation d’un gouvernement de transition. La France, ancienne puissance coloniale régulièrement vilipendée lors de manifestations en Afrique de l’Ouest, a fait savoir mardi de source diplomatique qu’elle appuyait “les efforts des pays de la région pour restaurer la démocratie” au Niger. Le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des militaires ayant pris le pouvoir par la force respectivement depuis 2020 et 2022, ont de leur côté affiché leur solidarité avec le Niger. Ils ont affirmé que si le pays était attaqué par la Cedeao, ce serait “une déclaration de guerre” pour eux.

La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao) a été créée en 1975 pour promouvoir le développement économique de ses membres, et s’implique surtout dans la gestion des conflits régionaux. Le 30 juillet, lors d’un précédent sommet à Abuja, elle avait donné un ultimatum d’une semaine aux militaires ayant pris le pouvoir à Niamey pour rétablir le président Mohamed Bazoum, sous peine d’une intervention armée pour ce faire.

15 membres, dont quatre sanctionnés

La Cedeao, dont le siège est à Abuja, au Nigeria, compte 15 pays membres: huit francophones (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal et Togo), cinq anglophones (Gambie, Ghana, Liberia, Nigeria et Sierra Leone) et deux lusophones (Cap-Vert et Guinée-Bissau). Parmi eux, quatre, tous francophones, sont suspendus et/ou sanctionnés après des coups d’Etat militaires : la Guinée, le Mali, le Burkina Faso et, dernier en date, le Niger.

L’organisation est dominée politiquement et économiquement par le Nigeria, géant rassemblant plus de 50% de la population et plus de 60% du PIB régional.

La Cedeao est dirigée par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, instance de décision suprême. Le président du Nigeria Bola Ahmed Tinubu est le président de la Cedeao en exercice, depuis juillet.

Monnaie unique au point mort

Le Traité de Lagos, instituant la Cedeao, a été signé le 28 mai 1975 dans la capitale économique nigériane, dans le but de dépasser les innombrables clivages – économiques, politiques, monétaires et linguistiques – pour déboucher sur une intensification de la coopération et des échanges. Mais la Cedeao sera amenée progressivement à revoir son ambition économique à la baisse. L’Eco, la monnaie unique que devaient adopter ses membres en 2020, est au point mort.

Maintien de la paix

L’organisation s’implique en revanche directement dans les différends politiques, se dotant en 1993 d’un nouveau statut lui assignant formellement une responsabilité dans la prévention et le règlement des conflits régionaux. En juin 2004, les chefs d’état-major ouest-africains approuvent la création d’une force de 6.500 hommes, dont un contingent d’intervention rapide de 1.500 soldats en cas de troubles. En novembre 2005, un programme de formation de cinq ans est adopté pour permettre des opérations de maintien de la paix.

Interventions militaires

La Cedeao a joué un rôle politique de premier plan lors des guerres civiles au Liberia et en Sierra Leone, en mettant sur pied en 1990 l’Ecomog (force ouest-africaine de paix), une force de plusieurs milliers d’hommes. Elle a notamment réussi à ramener la paix au Liberia en 1997. Elle est également intervenue en Guinée-Bissau lors de la rébellion armée de 1998-99 et après le coup d’Etat de 2012, en Côte d’Ivoire en 2003 après le déclenchement d’une rébellion, au Mali en 2013 pour aider Bamako à reprendre le contrôle du Nord tombé aux mains des jihadistes, ou encore en Gambie en 2017 quand le président sortant Yahya Jammeh, battu aux élections, refusait de quitter le pouvoir.

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