Immobilier aux États-Unis: vers une répétition de l’effondrement de 2008?

Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Faut-il craindre une débâcle financière comparable à celle de 2008 ? Les mauvais crédits sur les prêts immobiliers de bureaux explosent aux États-Unis, au point de dépasser les niveaux de la crise des subprimes. En cause : le télétravail qui perdure. L’économiste Éric Dor met en garde face à ce qu’il juge être “une véritable crise de l’immobilier de bureaux” outre-Atlantique.

Faut-il craindre une débâcle financière comparable à celle de 2008 ? Dans une récente note, Éric Dor, économiste à l’IESEG School of Management à Lille, tire la sonnette d’alarme face à la hausse spectaculaire des défauts de paiement sur les prêts liés à l’immobilier de bureaux américain. Un phénomène qu’il juge plus grave encore que celui observé lors de la crise financière de 2008, “pour ce secteur-là”, précise-t-il d’emblée.

Son cri d’alarme repose sur un constat simple : le taux de défaut pour les prêts immobiliers de bureaux titrisés aux Etats Uni, qui se limitait à 1,58 % en décembre 2022, est monté à 11,76 % en octobre dernier et pourrait continuer à augmenter. Il dépasse maintenant son précédent sommet d’environ 10,5 %. C’était, tiens, tiens, en 2012 dans la foulée de la grande crise financière. En clair, Eric Dor estime que “tous les investisseurs ayant acheté ces actifs sont susceptibles de subir des pertes. C’est une crise similaire, au départ sur les prêts immobiliers résidentiels subprime titrisés, qui avait déclenché la grande crise financière internationale 2008 et 2009.”

Revoilà la titrisation

Eric Dor explique que les banques américaines ont largement prêté aux acquéreurs d’immeubles de bureaux, avant de titriser ces créances sous forme de CMBS (pour Commercial Mortgage-Backed Securities). Une technique financière qui n’est pas sans rappeler celle des subprimes, à l’origine de la débâcle de 2008. Laquelle avait plutôt porté au départ sur des prêts immobiliers résidentiels octroyés à des taux élevés à des emprunteurs à haut risque.

Comment en est-on arrivé là ? Rien de bien sorcier, poursuit Eric Dor. “Avec un taux d’inoccupation des bureaux qui s’envole, frappant aussi bien les anciens immeubles que certaines constructions récentes, les revenus locatifs des propriétaires ne suffisent plus à couvrir les intérêts et remboursements des prêts contractés”, indique l’économiste.

Résultat : entre août 2023 et août 2025, les loyers bruts des bureaux ont chuté de près de 8 %, un repli sans précédent, précise Eric Dor. D’après ses calculs, corrigée de l’inflation (+5,2 % sur la période), la baisse réelle atteint même 12,8 %.

La faute au télétravail

Pourquoi une telle diminution de la demande de surfaces de bureau locatif ? Parmi les causes, Eric Dor pointe en particulier le télétravail, qui continue de transformer en profondeur la demande de bureaux. “Avant la pandémie, seulement 5 % des journées rémunérées étaient effectuées à distance. Ce taux a explosé entre 2020 et 2021, avant de redescendre légèrement. Mais depuis 2023, malgré les appels au retour sur site des entreprises et du gouvernement, les salariés résistent. D’après les données de la société Working From Home Research, qui collecte des statistiques sur le télétravail aux États-Unis et qui est généralement cité comme référence en la matière, 27,2 % des journées rémunérées étaient encore télétravaillées en août 2025”, détaille Eric Dor.

Autres prêts épargnés

Heureusement, “le phénomène n’a pas l’air de se propager aux autres catégories de prêts immobiliers titrisés (industriels, magasins de détail, hôtellerie…) dont les taux de défaut restent limités et sont moins en hausse”, nuance Eric Dor.

Il est vrai que le taux de défaut sur les prêts immobiliers commerciaux conservés dans les bilans bancaires demeure aussi nettement inférieur à celui des prêts titrisés et a moins augmenté. “Les banques qui ont gardé les prêts à leur bilan peuvent par exemple en augmenter ensuite la durée pour réduire la mensualité à payer par les emprunteurs dont les revenus auraient baissé. Et ce, contrairement à des prêts qui ont été titrisés et donc revendus, pour lesquels elles ont peu de possibilités de les aménager ensuite lorsque les emprunteurs ont des difficultés, en concédant certaines facilités pour leur permettre d’éviter le défaut”, explique l’économiste.

Pas de crise généralisée

Par ailleurs, le taux de défaut sur les prêts immobiliers résidentiels, hors immeubles collectifs, se limitait à 1,79 % au deuxième trimestre 2025, à peine en hausse par rapport aux 1,69 % du troisième trimestre 2023, et très inférieur au pic de 11,49 % atteint en 2010 lors de la grande crise financière.

Bref, “tout cela montre que si la situation de l’immobilier de bureau est très préoccupante aux États-Unis, il y a une véritable crise sur ce segment-là, et c’est à suivre. Mais la situation globale des prêts reste encore bonne. Toute extrapolation aux risques d’une crise financière globale serait exagérée”, relativise Éric Dor.

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