Une question de santé publique: guérir l’obésité

Les agonistes du peptide 1 de type glucagon (GLP-1) imitent les hormones produites par l‘organisme après un repas, régulant ainsi le glucose dans le sang. © GettyImages

Pour les médicaments amaigrissants, l’année promet de se révéler tout bonnement exceptionnelle.

Pendant des décennies, les médicaments amaigrissants ont été décevants, offrant des traitements inefficaces, voire dangereux. L‘arrivée récente de médicaments amaigrissants à la fois efficaces et sûrs constitue donc une étape importante sur le plan médical. Certains parlent maintenant d‘un avenir à long terme dans lequel l‘obésité pourrait être guérie. Ce n‘est pas une mince affaire : l‘obésité touche 1,1 milliard de personnes, soit environ 14 % de l‘ensemble de la population.

En 2024, les entreprises Novo Nordisk et Eli Lilly s‘affronteront pour dominer ce qui pourrait être un marché de 77 milliards de dollars d‘ici 2030. Leurs médicaments Wegovy (semaglutide) et Mounjaro (tirzepatide) seront d‘énormes succès. La taille du marché attire beaucoup de concurrence et d‘innovation. Plus de 70 autres traitements de l‘obésité sont en cours de développement, selon STAT, un site d‘information médicale. La plupart des entreprises poursuivent la même idée, à savoir les agonistes du peptide 1 de type glucagon (GLP-1). Ceux-ci imitent les hormones produites par l‘organisme après un repas, régulant ainsi le glucose dans le sang, ce qui explique pourquoi les médicaments GLP-1 ont si bien fonctionné dans le traitement du diabète.

De manière inattendue, les médicaments GLP-1 agissent également sur la perte de poids. Ils y parviennent en ralentissant la vitesse de la “vidange gastrique”, ce qui permet de rester rassasié plus longtemps. Ils agissent également sur l‘hypothalamus du cerveau, qui contrôle la faim. Enfin, ils semblent favoriser la dégradation des graisses.

Plus de 70 autres traitementsde l‘obésité sont en cours de développement.

Versions orales

Ray Stevens, le patron de Structure Therapeutics, explique que le défi consiste à s‘assurer que les patients tolèrent le médicament et le trouvent facile à utiliser. Un certain nombre d‘entreprises, dont la sienne, sont à la recherche de versions orales des médicaments GLP-1. Elles parient sur le fait que les médicaments oraux seront moins chers à fabriquer et qu‘ils seront mieux tolérés par les patients qui n‘aiment pas se faire des injections. Novo Nordisk espère fournir une version orale du semaglutide dès 2024.

Les médicaments se sont avérés si populaires que l‘offre a continuellement dépassé la demande. L‘offre devrait s‘améliorer en 2024, mais les pénuries de médicaments devraient se poursuivre.

Les médicaments GLP-1 sont généralement considérés comme sûrs, mais il existe des risques de complications gastro-intestinales telles que la pancréatite et les occlusions intestinales. Un autre problème est que ces médicaments doivent être pris en continu pour maintenir la perte de poids. Amgen, qui développe un médicament à plus longue durée d‘action, obtiendra les résultats des essais de phase 2 au cours de l‘année prochaine.

Nombreuses années de R&D

Des essais sur l‘homme pourraient également débuter en 2024 pour un médicament de thérapie génique unique GLP-1, qui a déclenché une perte de poids de 23 % chez des souris obèses. La société de biotechnologie Fractyl Health, basée à Lexington (Massachusetts), a injecté le médicament dans le pancréas de souris, ce qui leur a permis de fabriquer leurs propres agonistes du GLP-1. Ce type de recherche nécessitera de nombreuses années de travail avant d‘être jugé sûr et efficace chez l‘homme.
L‘un des facteurs qui suscitent l‘intérêt des médecins est que l‘obésité est de plus en plus considérée comme un problème médical plutôt que cosmétique. Un article récent sur Wegovy a montré qu‘il peut réduire de 20 % le risque d‘événements cardiovasculaires majeurs, tels que les accidents vasculaires cérébraux et les crises cardiaques. Largement répandues, les injections favorisant la perte de poids pourraient prévenir des centaines de milliers d‘arrêts cardiaques aux Etats-Unis. A l‘échelle mondiale, ces médicaments pourraient transformer la santé publique. En 2024, davantage de données sur les effets des médicaments contre l‘obésité sur la santé viendront étayer les arguments en faveur de la prescription de ces médicaments.

Ahmed Ahmed, professeur de chirurgie métabolique à l‘Imperial College de Londres, s‘attend à une vague d‘intérêt de la part des consommateurs pour les produits nutraceutiques, tels que les fibres de konjac, qui améliorent ou amplifient les systèmes de peptides intestinaux propres à l‘organisme. Les personnes qui ont eu la chance de pouvoir se procurer des médicaments GLP-1 sur ordonnance en sont, selon Ahmed Ahmed, “raisonnablement satisfaites, tant qu‘elles ne s‘attendent pas à une perte de poids trop importante”. Le problème, cependant, c‘est qu‘il faut continuer à les prendre. Il raconte qu‘un patient a comparé le besoin psychologique de prendre le médicament à une dépendance aux opiacés. Mais à terme, la prise quotidienne d‘un médicament oral bon marché pourrait être largement acceptée. Pour l‘instant, la révolution ne fait que commencer.

Natasha Loder, rédactrice en chef santé de “The Economist”
Traduit de « The World in 2024 », supplément de The Economist

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