France: Michel Barnier nommé Premier ministre
Le président français Emmanuel Macron a nommé jeudi l’ex-ministre et ancien commissaire européen de droite Michel Barnier, 73 ans, comme Premier ministre, a annoncé l’Elysée 60 jours après le second tour des élections législatives qui ont débouché sur une Assemblée nationale dépourvue de majorité.
Le plus vieux Premier ministre de la Ve République succède ainsi au poste de chef du gouvernement à Gabriel Attal, 35 ans, qui en était le plus jeune. Doté d’une solide expérience politique, il devra désormais user de toutes ses qualités diplomatiques pour former un gouvernement susceptible d’échapper à la censure parlementaire et mettre fin à la plus grave crise politique de ces cinquante dernières années. Une tâche aux allures de mission impossible, tant aucune coalition viable n’a jusqu’ici émergé. L’Assemblée issue des légistatives de juillet est fragmentée en trois blocs, la gauche, le centre droit et l’extrême droite. En attendant, les ministres démissionnaires vont eux rester en fonctions pour continuer de gérer les affaires courantes le temps de négociations avec les partis que beaucoup prédisent longues et difficiles.
Ainsi, pour le leader de la gauche radicale Mélenchon, “l’élection a été volée aux Français”. “L’élection a été volée aux Français”, a dénoncé jeudi le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon après l’annonce de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre. Découvrant “un Premier ministre qui est nommé avec la permission et peut être sur la suggestion du Rassemblement national”, Jean-Luc Mélenchon appelle dans une video postée sur les réseaux sociaux “à la mobilisation la plus puissante que possible” samedi. Olivier Faure, le patron des socialistes, estime lui que “nous entrons dans une crise de régime” et décrit de son côté sur X un “déni démocratique porté à son apogée: un Premier ministre issu du parti qui est arrivé en 4e position et qui n’a même pas participé au front républicain”.
Pour le patron du RN Jordan Bardella, son parti “jugera sur pièces le discours de politique générale” de Michel Barnier, avant de se déterminer sur une censure de son gouvernement, après sa désignation comme Premier ministre. Renaissance ne votera lui non plus pas de “censure automatique” contre le gouvernement que doit former Michel Barnier, mais portera “des exigences sur le fond, sans chèque en blanc”, a fait savoir jeudi le parti d’Emmanuel Macron, pour qui le président a “rempli son rôle constitutionnel” en vue d’un “gouvernement stable”. “Le Parti socialiste n’ayant jamais voulu soutenir la candidature de Bernard Cazeneuve”, Emmanuel Macron “fait donc le choix d’un Premier ministre de droite”, accuse par ailleurs Renaissance. Le chef de l’Etat a opté pour une figure des Républicains (LR) pour Matignon, après 60 jours de crise ministérielle.
Michel Barnier chargé de démêler l’imbroglio français
Il a négocié avec succès les conditions du Brexit : désigné jeudi Premier ministre français, Michel Barnier, 73 ans, devra désormais user de toutes ses qualités diplomatiques pour diriger un gouvernement minoritaire et à la merci de motions de censure à l’Assemblée. Applaudi à Bruxelles pour ses qualités de négociateur, au point que son nom avait circulé pour succéder à Jean-Claude Juncker en 2019 à la tête de la Commission européenne, ce membre du parti de droite Les Républicains (LR), originaire des Alpes françaises, s’est forgé une réputation de “pragmatique”. “C’est un homme d’Etat. Un homme de consensus et de négociation comme il l’a prouvé lors des négociations du Brexit, ce qui est indispensable dans la période que nous connaissons”, affirme à l’AFP le député LR Vincent Jeanbrun, persuadé qu’il parviendra à rassembler “bien au-delà de son camp”. L’Assemblée issue des législatives de juillet est fragmentée en trois blocs, la gauche, le centre droit et l’extrême droite. La sénatrice LR Agnès Evren salue pour sa part une “méthode Barnier” qui “allie respect de son interlocuteur et solidité des convictions”. Des qualités qui ont certes séduit Emmanuel Macron, à la recherche d’une personnalité capable de déjouer une majorité de censure à l’Assemblée, mais qui ont pour l’instant été plus applaudies à Bruxelles qu’en France, et même dans sa famille politique des Républicains. Il représente “tout ce que les Français ne veulent pas. Il est stratosphérique, déconnecté et il continuera ou finira de tuer la droite”, déplore un parlementaire LR auprès de l’AFP.
Vieux loup
Il a d’ailleurs mordu la poussière en 2021 dès le premier tour des primaires de LR pour désigner le candidat de la droite à la présidentielle de 2022. Longtemps positionné sur une ligne centriste du gaullisme, Michel Barnier avait alors amorcé un virage droitier inattendu, plaidant notamment pour un “moratoire” de 3 à 5 ans sur l’immigration, sans pour autant parvenir à convaincre les militants. Vieux loup de la politique française, il entre en politique en 1973. Une longue carrière qui fait dire au député d’extrême droite Jean-Philippe Tanguy qu’il est “fossilisé de la vie politique”. Des décennies à arpenter les allées du pouvoir, à Paris comme à Bruxelles, où cet homme à la haute stature et la chevelure blanchie s’est forgé la réputation d’écouter, argumenter et de chercher à convaincre. “Derrière un air lisse se cache une personnalité torturée. C’est un inquiet et il a besoin d’être conseillé. Il tire sa force d’une équipe de collaborateurs en qui il a une totale confiance”, explique un de ses proches. Michel Barnier a siégé dans plusieurs gouvernements de droite en France dans les années 1990 et 2000, avec des portefeuilles variés (Affaires européennes, Environnement, Agriculture, Affaires étrangères, etc…), a été commissaire européen à deux reprises, chargé des Politiques Régionales et du cadre financier (1999-2004), puis responsable du Marché Intérieur et des Services (2009-2014).
Un “montagnard”
Marié et père de trois enfants, il rappelle volontiers qu’il est un “montagnard”, manière de marquer sa différence : ne pas faire partie du sérail parisien et ne pas sortir de la prestigieuse école de l’élite ENA mais, dans son cas, de l’Ecole supérieure de commerce de Paris. A Bruxelles, dans son bureau, il montrait volontiers à ses visiteurs une photo où il pose aux côtés du triple champion olympique de ski Jean-Claude Killy, avec qui il a mené à bien l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 1992 dans sa ville d’Albertville. Une autre le montrait lors de la libération de la journaliste Florence Aubenas, otage en Irak, obtenue alors qu’il dirigeait le Quai d’Orsay. Sa carrière européenne n’a pas toujours été couronnée de succès. Jean-Claude Juncker l’a battu en 2014 dans la course à la présidence de la Commission européenne lors du congrès du Parti populaire européen (PPE, droite). Sa nomination comme négociateur du Brexit en 2016 lui a cependant permis de rebondir et peaufiner sa stature internationale. “Nous aurions pu avoir bien pire que le pragmatique et expérimenté Barnier”, avait commenté Syed Kamall, chef de la délégation du parti conservateur britannique au Parlement européen.