France: les trois raisons pour lesquelles la crise politique n’est pas une crise financière
Des taux qui baissent malgré tout, une épargne privée abondante et une situation politique qui n’est finalement pas exceptionnelle : voilà pourquoi la crise politique française n’est pas une crise de la zone euro, explique Samy Chaar (Lombard Odier).
Ce mercredi, les députés français ont jeté les dés et voté la censure du gouvernement de Michel Barnier, qui a donc remis sa démission au Président Emmanuel Macron. Les marchés financiers, qui pénalisent la France depuis des mois, ne se sont cependant pas trop émus de ce nouvel épisode. Le taux à dix ans a à peine bronché, passant de 2,82 à 2,89%.
Spreads et taux
Pourquoi ce stoïcisme ? « Il y a trois points à considérer, observait, dès avant le vote à l’Assemblée, l’économiste en chef de la banque privée suisse Lombard Odier Samy Chaar. Il y a une crise politique d’une nature inhabituelle pour la France : un Parlement à ce point divisé est en effet inhabituel dans la Cinquième République (le régime politique en vigueur en France depuis 1958, NDLR). C’est donc une crise politique selon les standards français, mais, selon les standards des marchés financiers, cette situation n’est pas inusuelle du tout. Après tout, on rencontre des parlements divisés un peu partout : en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, et même aux Etats-Unis il n’y a pas si longtemps. Cette crise politique n’est donc pas nécessairement une crise pour les marchés ».
Deuxième point mis en avant par Samy Chaar, le niveau des spreads, des écarts de taux entre les obligations allemandes et françaises. « Les spreads sont très importants, ils s’écartent et ils attirent toute l’attention. Mais il faut aussi regarder le niveau des taux d’intérêt. Lors des tensions précédentes sur les dettes souveraines, au Royaume-Uni, en Grèce, … les rendements étaient à la hausse. Mais aujourd’hui, les taux français sont en baisse (le taux français à 10 ans était à 3,3% au début du mois de juillet, il est à 2,9% aujourd’hui, ndlr). Cela signifie qu’il n’y a pas de mécanisme de transmission de la crise politique. Et la Banque centrale européenne va continuer à réduire ses taux. Cela signifie que probablement, les taux français continueront à baisser. Alors oui, le spread est une indication d’une tension en France et oui les taux pourraient baisser encore davantage si les spreads se rétrécissaient. Mais ce n’est pas une crise. Une crise, c’est quand le coût du capital s’enflamme, et que cela crée un problème pour la soutenabilité de la dette publique. Or, cette soutenabilité s’améliore en France, puisque les taux baissent ! »
Excès d’épargne
Samy Chaar ajoute un dernier élément : « dans ce débat, tout le monde souligne comment les finances publiques françaises sont dans un piteux état. Et c’est la réalité : le déficit et l’endettement ne sont pas au niveau où ils devraient être. Mais il fait aussi considérer la santé du secteur privé français. Si vous regardez la santé financière des ménages, des banques, des entreprises, ces acteurs sont en excès d’épargne. Si vous réconciliez la situation du secteur public et du secteur privé, vous avez une balance courante française qui est grosso modo équilibrée. L’épargne privée comble le déficit public. Le secteur privé permet donc à la France, le cas échéant, de trouver un financement domestique. C’est un nouvel élément qui vient limiter le risque de contagion », dit-il.
« Nous continuions à suivre la situation de très près, ajoute Samy Chaar, car c’est une crise politique profonde. Mais ce n’est pas une crise financière ».
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