Forte mobilisation pour le second tour des élections législatives en France
Les Français étaient fortement mobilisés dimanche pour le second tour d’élections législatives historiques, dont le parti d’extrême droite pourrait sortir vainqueur mais sans majorité absolue à l’Assemblée, qui risque la paralysie.
A 17 heures, la participation était au plus haut depuis 1981 au 2e tour des législatives, à 59,71%. Selon les instituts de sondage, la participation finale au second tour devrait être à au moins 67%, contre 66,7% au premier tour. Le pays est aux prises avec une ambiance délétère, marquée par insultes, agressions physiques de candidats et colleurs d’affiches, et libération de la parole raciste et antisémite.
Face à d’éventuels débordements dimanche soir, 30.000 policiers seront mobilisés, dont 5.000 à Paris.
« Il y a beaucoup de tension, les gens deviennent fous« , a commenté à Tourcoing (nord) Laurence Abbad, retraitée de 66 ans, qui craint des violences dans la soirée après l’annonce des résultats.
A quelques kilomètres de là, à Lille, Cécile Artis, cadre supérieure de 59 ans, s’inquiète de « la polarisation des opinions publiques », tandis que dans la petite commune de Rosheim près de Strasbourg (est), Antoine Schrameck, retraité de 72 ans, se dit « angoissé »: « On est à un tournant de l’histoire de la République« .
Resserrement des trois blocs
Les bureaux de vote ont ouvert dimanche à 8h en métropole, alors qu’ont déjà voté samedi les électeurs de Saint-Pierre-et-Miquelon (Atlantique nord), de Guyane, des Antilles, ainsi que de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique sud. Dans les grandes villes de métropole, ils resteront ouverts jusqu’à 20h, heure de publication des premières estimations.
Les premiers résultats sont tombés dans certains territoires d’outre-mer, qui ne présument en rien d’une tendance nationale. – En Guadeloupe, les quatre députés sortants indépendants et de gauche retrouvent leur siège. – En Martinique et en Guyane, la gauche l’a emporté.
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Le président Emmanuel Macron a plongé la France dans l’inconnu en décidant le 9 juin de dissoudre l’Assemblée nationale après sa débâcle aux européennes.
Au premier tour, les Français ont placé le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) – et ses alliés issus du parti de droite LR – largement en tête (33%), devant l’alliance de gauche Nouveau Front populaire (NFP, 28%), et le camp présidentiel de centre-droit (20%).
Vendredi, les sondages semblaient montrer un resserrement entre les trois blocs: l’extrême droite obtiendrait au deuxième tour entre 170 à 210 sièges, pour une majorité absolue fixée à 289 députés. Ils seraient talonnés par le NFP (155 à 185), suivis des macronistes (95 à 125).
« Tentations populistes »
Mais les sondeurs affichaient une prudence certaine, car nul ne sait à quelle force va bénéficier la très forte participation. Une « cinquantaine de circonscriptions se jouent dans un mouchoir de poche« , a fait valoir le président délégué de l’institut de sondages Ipsos, Brice Teinturier.
Plus de 200 candidats de la gauche et du centre se sont désistés, des dizaines de triangulaires, qui semblaient favorables au RN à l’issue du premier tour, se transformant du même coup en duels beaucoup plus serrés. « Aujourd’hui le péril, c’est une majorité dominée par l’extrême droite et ce serait un projet catastrophique« , a prévenu le Premier ministre Gabriel Attal, chef de la campagne du camp présidentiel.
La cheffe de file de l’extrême droite, Marine Le Pen, a dénoncé les manoeuvres d’un « parti unique » de « ceux qui veulent conserver le pouvoir contre la volonté du peuple ». Si elle réussit son pari et obtient une majorité suffisante, c’est son poulain Jordan Bardella, 28 ans, qui entrerait à Matignon avec un fort programme anti-immigration. Ce serait le premier gouvernement issu de l’extrême droite en France depuis la Deuxième Guerre mondiale.
L’hypothèse a suscité des craintes chez certains grands pays européens partenaires de la France, inquiets de voir arriver aux affaires, dans un des piliers de l’Union européenne, un parti eurosceptique et réputé proche de la Russie de Vladimir Poutine. Sans citer de pays en particulier, le pape François a mis en garde dimanche contre les « tentations idéologiques et populistes ».
L’incertitude est telle que Gabriel Attal a déclaré que son gouvernement était prêt à assurer la continuité de l’Etat « aussi longtemps que nécessaire ». Donc à expédier les affaires courantes en attendant la formation d’une nouvelle équipe, alors que Paris accueille les Jeux olympiques dans trois semaines.
Sollicité quant à une éventuelle prise de parole du chef de l’Etat après 20H00, son entourage a indiqué à l’AFP que « rien n’était décidé » pour le moment et « tout (dépendrait) des résultats ».