Faut-il faire payer l’entrée de Notre-Dame de Paris?
Faut-il faire payer l’entrée de Notre-Dame de Paris aux touristes pour financer le patrimoine religieux? La ministre de la Culture Rachida Dati a réitéré sa proposition lundi, face au président de la Conférence des évêques de France (CEF) qui a redit l’attachement de l’Eglise à la gratuité.
Notre-Dame de Paris compte parmi les édifices les plus visités en Europe, avec 12 millions de personnes en 2017 et “14 à 15 millions” attendues par le Diocèse après la réouverture prévue le 7 décembre.
La ministre avait lancé l’idée fin octobre, en estimant qu’un ticket à 5 euros par touriste rapporterait “75 millions d’euros par an”, reversés au patrimoine religieux. Le diocèse de Paris avait immédiatement rappelé son attachement au principe de gratuité de l’accès aux églises.
“Cette proposition a fait débat, je le sais. Mais je la trouve cohérente, et j’aimerais que nous puissions l’étudier sérieusement ensemble“, a affirmé la ministre de la Culture lors de la clôture des Etats généraux du patrimoine religieux. “Je n’avais pas l’intention de marchandiser le patrimoine religieux”, a assuré Rachida Dati, selon qui une telle proposition “protège la liberté de culte” et “pourrait permettre de sauver une grande part de notre patrimoine”.
Intervenant avant la ministre, le président de la CEF Eric de Moulins-Beaufort a, lui, souligné que “les lieux de culte sont affectés au culte exclusivement et intégralement et leur accès est gratuit“.
Eglises et cathédrales “ont toujours été des lieux ouverts à tous”, et “en faire payer l’entrée pour en assurer l’entretien” serait une manière de “trahir leur vocation originelle”, a-t-il martelé, en souhaitant qu’elles “soient préservées de la marchandisation croissante” constatée dans les lieux de culture.
Tous deux s’exprimaient à l’occasion de la remise d’un rapport, initié en septembre 2023 par la CEF pour recenser le patrimoine religieux français, le deuxième plus important au monde après l’Italie avec plus de 100.000 édifices (dont 60.000 sont des propriétés privées). Le but de cette enquête était notamment de réfléchir aux usages permettant de mettre en valeur ce patrimoine extrêmement riche, mais écrasant pour les finances des petites communes.
“Ces États généraux ont confirmé ce que nous savions déjà : près de 4.000 édifices religieux protégés sont en mauvais état, voire en péril“, a affirmé Rachida Dati.
Usages solidaires
Rappelant que 13 millions d’euros avaient été récoltés grâce à la collecte lancée en septembre 2023 par Emmanuel Macron pour aider les communes de moins de 10.000 habitants à préserver leurs édifices religieux, Rachida Dati a assuré vouloir “aller encore plus loin” et “revoir le modèle” de cette collecte pour permettre “à d’autres que la Fondation du patrimoine” d’y participer. La ministre a aussi mis en avant un amendement du gouvernement pour débloquer “300 millions d’euros supplémentaires” dont “une part importante” sera dédiée “au patrimoine rural“, et donc en grande partie au patrimoine religieux.
Selon l’enquête publiée lundi, 40.068 édifices cultuels appartiennent aux communes, et 2.145 sont la propriété de diocèses. Sur les 149 cathédrales que compte la France, quatre seulement appartiennent à des diocèses, contre 87 à l’Etat et 52 à des communes. L’Etat est en effet propriétaire des édifices religieux construits jusqu’à 1905, date de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, et ceux bâtis après appartiennent à l’Eglise.
En lançant son enquête, l’Eglise avait aussi souhaité recenser les usages “compatibles avec le culte”, notamment solidaires ou culturels, au sein des édifices religieux. Ceux-ci sont mentionnés par l’intégralité des 69 diocèses ayant répondu: accueil des plus démunis (dans 26 diocèses), vestiaires solidaires (10), mais aussi concerts (64 diocèses) ou classes d’orgues (55) voire asile climatique (24)…
Selon cette enquête, 411 édifices cultuels diocésains ont été désacralisés depuis 1905 (dans 87 diocèses), et 72 édifices démolis depuis l’an 2000 (sur 69 diocèses ayant répondu).