Eric Dor : “Mario Draghi a raison, il faut permettre aux entreprises européennes d’avoir un accès plus large aux capitaux”

Mario Draghi.
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Parmi les recommandations du rapport Draghi sur la compétitivité européenne figure notamment l’achèvement de l’union des marchés des capitaux, ce dont “les entreprises européennes ont besoin pour accroître leur capacité de financement”, appuie l’économiste.

Eric Dor (IESEG) © PG

Dans son rapport sur la compétitivité de l’Union européenne, Mario Draghi estime à 800 milliards d’euros les investissements supplémentaires par an dont l’Europe a besoin si elle veut enrayer son déclin et ne pas se laisser distancer définitivement par les Etats-Unis et la Chine. L’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) appelle les Etats membres à achever l’union des marchés des capitaux afin de réellement donner au Vieux Continent les moyens de ses ambitions. A raison, juge Eric Dor, professeur à l’IESEG de Lille.

Ce chiffre de 800 milliards d’euros par an n’est-il pas exagéré ?

Non. L’Europe est à la traîne. Face aux Etats-Unis et à la Chine, nous sommes en train de rater le train de la transition écologique, celui des véhicules électriques, etc.  Il est crucial pour notre avenir de doper les investissements. Mario Draghi a raison sur cette nécessité d’investissement massif. 

Faut-il pour autant passer par les pouvoirs publics via des emprunts européens solidaires, comme il le préconise ? 

C’est la question à se poser. L’expérience du fonds NexGenEu n’est pas concluante. Les Etats n’ont pas été à même de déposer des projets. Un tiers seulement de l’enveloppe est utilisée. Et dans ce tiers, certaines questions se posent sur la qualité ainsi que sur la pertinence des projets sélectionnés, sans parler des détournements de fonds. Les administrations publiques sont-elles les plus compétentes et les mieux placées pour décider dans quoi investir ? L’approche est différente aux Etats-Unis, notamment dans le cadre de l’IRA (Inflation Reduction Act), où il revient aux entreprises de décider quelles sont leurs stratégies.

Mario Draghi a-t-il par contre raison quand il recommande de finaliser au plus vite l’union des marchés des capitaux ?

Cela fait longtemps que les experts, et la BCE notamment, fustigent la fragmentation persistante du marché des capitaux en Europe, ce qui nuit au financement des entreprises. C’est une des raisons qui expliquent la difficulté de faire émerger de grandes entreprises novatrices à croissance rapide comme les Etats-Unis excellent à le faire. Pourquoi n’avons-nous pas en Europe des champions mondiaux tels que Microsoft ou Nvidia ? Ce n’est pas une question d’innovation ou de cerveaux. Le problème c’est une lourdeur administrative, une trop forte régulation et un marché des capitaux qui ne permet de mobiliser l’épargne, plutôt justement que de la voir s’exporter aux Etats-Unis. Il faut permettre aux entreprises européennes d’avoir un accès plus large aux capitaux.

Mario Draghi a-t-il aussi raison lorsqu’il propose de relancer le “dangereux” marché de la titrisation des crédits ?

La titrisation a mauvaise presse à cause de la débâcle des subprimes. Mais il n’y avait aucune raison pour que cela se passe comme cela. Le problème a été une mauvaise mesure et une mauvaise gestion des risques, par manque notamment de vigilance des agences de notation qui ont même été accusées d’être hypocrites. Encore une fois, là aussi, Mario Draghi a raison. Une titrisation correcte avec une bonne maîtrise des risques permet d’alléger le bilan des banques et donc de dégager des moyens pour de nouveaux prêts, et au final de dynamiser l’économie.

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