“Enfant à temps plein” : ces jeunes chinois payés pour s’occuper de leur parent

jeune chinois lors d'une bourse à l'emploi © Getty

En Chine, de plus en plus de jeunes se font payer pour rester à la maison et s’occuper de la famille. Ils tournent le dos au monde du travail et à l’exigence de performance.

Le phénomène est appelé «fils et filles à temps plein». Cette notion est apparue pour la première fois sur le populaire site de médias sociaux chinois Douban à la fin de l’année dernière, dit CNN. Il décrit ces jeunes qui sont payés pour s’occuper de leur famille. Ce choix de carrière, ou plutôt ce non-choix, est en pleine ascension puisque des dizaines de milliers de jeunes se revendiquent de cette tendance sur les réseaux sociaux. Ces enfants « professionnels » (soit des enfants « au foyer » mais rémunéré), se qualifient de « lie flat », soit de couché. Une position qui est censée montrer leur manque d’ambition à grimper les échelons.

Génération couchée versus génération qui mange les vieux

Principalement âgées d’une vingtaine d’années, les personnes « lie flat » se disent différentes des « ken lao zu », qu’on peut traduire par « la génération qui mange les vieux ». Soit les trentenaires qui ont étudié et travaillé dur pour progresser dans leur carrière tout en délaissant leur famille. Une distance qui ne les empêche pas de demander à cette même famille de subvenir à une partie de leur besoin. Ce qui fait dire aux enfants professionnels qu’ils se font peut-être payer, mais qu’eux au moins sont présents.

Ce changement de paradigme entre ces deux générations de jeunes doit beaucoup à la pandémie qui a poussé enfants et parents à repenser radicalement leurs objectifs de vie. Mais l’amour filial n’est pas seul en cause. Certains choisissent cette voie par envie de renouer avec les valeurs familiales traditionnelles d’une vie plus simple. La plupart le font surtout par manque de choix.

Taux de chômage record chez les jeunes

Le taux de chômage des 16-24 ans dans les zones urbaines a atteint 21,3 % le mois dernier. On estime que dans une ville comme Pékin, un jeune sur cinq est sans emploi. C’est un record. Ce ne serait surtout que le sommet de l’iceberg puisque selon Zhang Dandan, professeur associé à l’université de Pékin, il y aurait pas moins de 16 millions de jeunes qui ne cherchent pas activement du travail. Ils sont “couchés” à la maison ou dépendant de leurs parents. Si l’on prend ces derniers en compte, le véritable taux de chômage des jeunes aurait pu atteindre 46,5 % en mars, selon CNN.

La tendance à la professionnalisation des enfants est surtout un énième signe que les jeunes sont confrontés à des opportunités de plus en plus réduites dans une économie qui peinent à se remettre de la pandémie. Et qui est de plus en plus plombé par une vaste campagne de répression réglementaire qui touche le secteur privé depuis la fin de l’année 2020.

Selon Ya-wen Lei, professeur de sociologie à l’université de Harvard interviewé par CNN, ce phénomène des enfants professionnels ne devrait pas durer longtemps. Ce soutien familial, normal en Chine, ne durera que le temps que leur enfant trouve un autre emploi mieux rémunéré ou qui lui permette d’évoluer. Rester trop longtemps enfant au foyer c’est aussi prendre le risque de s’exclure pour de bon du marché du travail. Ce système n’est de toute façon pas viable sur le long terme puisque les parents ne sont pas immortels.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content