C’est un rapport interpellant que vient de publier CheckFirst, une entreprise finlandaise qui a pour objectif de combattre la désinformation.
CheckFirst s’est penché sur la campagne de désinformation orchestrée par la Russie et qui vise particulièrement à influencer l’opinion publique dans des pays comme la France, l’Ukraine, l’Allemagne, la Moldavie, la Pologne et les États-Unis.
Près de 600 faux contenus en neuf mois
Depuis septembre 2024, cette opération de manipulation a intensifié ses efforts, en multipliant par exemple les « contenus » falsifiés, les fausses histoires, répandues sur des plateformes comme BlueSky, X ou Telegram.
Entre septembre 2024 et mai 2025, 587 « contenus » uniques ont ainsi été produits, contre 229 sur les douze mois allant jusqu’en juin 2024, recense CheckFirst. Par exemple, depuis avril dernier, de nombreux courriels ont été envoyés contenant des allégations mensongères contre la présidente moldave, Maia Sandu, une des cibles favorites du Kremlin. Cela va de la diffamation (détournement de fonds), aux menaces (images falsifiées d’une guillotine), en passant par des accusations de corruption (sociétés offshore, cryptomonnaies) et des liens supposés avec des agendas LGBTQ+ ou encore un projet de fusion de son pays avec la Roumanie.
Olena Zelenska, l’épouse du président ukrainien Volodymyr Zelensky est aussi une cible de choix. En avril de dette année, une vidéo est apparue sur les réseaux sociaux prétendant qu’Olena Zelenska fuyait l’Ukraine. Elle a été diffusée sur Telegram, puis amplifiée sur X par des comptes pro-Kremlin. Des variantes utilisant d’autres logos de médias ont persisté malgré les démentis.
Relayé par Musk et Trump Jr
Une fausse vidéo E! News sur l’acteur Ben Stiller, a également été diffusée récemment, prétendant que l’acteur visitait l’Ukraine aux frais de l’USAID. Elle a été amplifiée par des comptes influents (Elon Musk, Donald Trump Jr.), atteignant un large public et générant une couverture médiatique, renforçant l’opération. Des fake news similaires ont été diffusées concernant Angelina Jolie et Sean Penn.
Car c’est la tactique de cette opération baptisée Overload par CheckFirst (clin d’œil à l’opération Overlord, nom de code du débarquement allié en juin 1944 en Normandie). Les artisans de cette propagande utilisent en effet le « brigading », c’est-à-dire l’embrigadement , volontaire ou non, d’une multitude de comptes pour accroître la caisse de résonnance.
Les faux récits sont diffusés par un réseau de comptes (souvent inauthentiques, automatisés ou affiliés à la campagne) sur des plateformes comme X, Telegram ou BlueSky. Ces comptes peuvent inclure des “reposteurs” payés, des bots ou des influenceurs pro-Kremlin.
Pour renforcer la crédibilité et contourner les démentis, des versions légèrement modifiées du même récit sont diffusées, parfois en usurpant les logos de médias légitimes (ex. BBC, E! News). Cela crée une impression de “consensus” autour du récit.
Surcharge informationnelle
Et puis arrive la surcharge (Overload) informationnelle. Le volume massif de publications, commentaires ou partages submerge les algorithmes des plateformes et les capacités de vérification des faits, rendant le récit difficile à contrer rapidement. Cette impuissance est d’autant plus inquiétante que la tactique du Kremlin est de plus en plus sophistiquée.
On s’aperçoit par exemple que les propagandistes, grâce à l’intelligence artificielle, créent massivement et activent rapidement des comptes inauthentiques, notamment sur Bluesky, souvent présentés comme de “faux journalistes” ou affiliés à des médias légitimes.
Le Kremlin diversifie aussi ses thèmes narratifs. Bien sûr, les récits anti-ukrainiens sont les plus nombreux. Mais on trouve aussi des tentatives systémiques d’ingérence électorale dans plusieurs pays : l’Allemagne, la Moldavie, la Pologne, les États-Unis, la France, et cela va de la désinformation à l’incitation directe à la violence.