Quand de grands groupes allemands se plaignent du fardeau des droits de douane américains, les petites et moyennes entreprises du “Mittelstand”, colonne vertébrale de l’économie du pays, espèrent toujours écouler leurs produits hautement spécialisés.
Le pari des industriels: sur des segments de niche sans réelle alternative aux machines et équipements allemands, les clients américains vont tout simplement absorber la hausse des prix. “C’est le client américain qui paie la taxe”, résume Thorsten Bauer, codirigeant de Xiton Photonics, un fabricant de lasers basé à Kaiserslautern. “Nous ne remarquons rien”, ajoute-t-il.
Avec sa vingtaine de salariés, cette entreprise est emblématique du “Mittelstand”, un tissu de PME le plus souvent familiales et fortement exportatrices, souligne Jan-Philipp Gillmann, responsable de la banque des entreprises pour l’Europe chez Deutsche Bank. Ces entreprises “sont en partie protégées” car “elles sont souvent les seules à produire un composant donné”, note-t-il. Aussi, le surcoût des droits de douane “est généralement répercuté sur le consommateur final”.
Selon un accord-cadre conclu fin juillet entre l’Union européenne et les Etats-Unis, les exportations européennes vers les États-Unis seront soumises à partir de jeudi à un droit de douane général de 15%, supérieur aux niveaux habituels mais bien en deçà des 30% initialement envisagés par Donald Trump.
Si les géants allemands comme Volkswagen chiffrent l’impact en milliards d’euros, beaucoup d’entreprises plus modestes espèrent passer entre les gouttes. “On ne peut pas simplement copier le Made in Germany”, affirme Brian Fürderer, fondateur de Microqore Medical, une PME de 32 salariés spécialisée dans les équipements chirurgicaux. “Pour Volkswagen, c’est plus difficile. Mais quand on occupe une vraie niche, la demande suit. En technologie médicale, peu d’acteurs rivalisent avec l’Allemagne”, ajoute-t-il.
Il faudrait que les droits de douane atteignent “30, voire 40%”, pour que la demande américaine en pâtisse, selon l’entrepreneur.
Incertitude persistante
L’optimisme des acteurs du Mittelstand, pépites de la première économie européenne, tranche avec les affirmations répétées de Donald Trump, selon lesquelles ce sont les entreprises étrangères – et non les consommateurs américains – qui devront encaisser les taxes.
Ces derniers mois d’incertitudes ont tout de même laissé des traces. Les Etats-Unis étant le premier partenaire commercial de l’Allemagne, les coups de semonce tarifaires ont déjà pesé. “Quand les droits de douane sont tombés, je n’ai fait aucune vente aux Etats-Unis pendant trois mois”, raconte Thorsten Bauer. “Quand l’avenir est incertain, les clients retardent leurs commandes”, ajoute-t-il.
Il espère que l’accord scellant un taux unique de 15%, comprenant toutes les taxes, suffira à relancer les échanges. Or, la politique commerciale erratique de Washington invite à la prudence, comme le cafouillage avec les douanes: un client américain reste en attente d’un remboursement après s’être vu appliquer à tort un droit de 50% sur de l’aluminium importé, explique-t-il. “Il n’y a pas de sécurité juridique.”
Du coup, l’entrepreneur cherche à “stimuler les ventes en Europe avec des remises”, pour “réduire la dépendance aux marchés internationaux”.
“Régulé à mort”
Mais la mission semble relever d’un casse-tête pour Xiton Photonics, qui réalise environ un quart de son chiffre d’affaires aux États-Unis. Les clients sont “plutôt au Japon, en Chine ou en Amérique qu’en Europe”, souligne M. Bauer.
La persistance des tensions géopolitiques rendent aussi toute stratégie incertaine. “Il peut évidemment aussi arriver que la Chine décide, du jour au lendemain, de ne plus importer depuis l’UE. Dans ce cas, on n’est qu’une girouette au gré du vent, obligé de se laisser porter”, craint-il.
Produire directement aux Etats-Unis pourrait devenir une option pertinente compte tenu du prix de l’énergie et de la lourdeur administrative en Europe, explique M. Fürderer, dont l’entreprise réalise 50% de ses ventes outre-Atlantique.
Quand le gouvernement américain veut relocaliser la production, en accordant des aides fiscales et autres subventions, “en Europe, on est régulé à mort” et par conséquent “les gens ont peur d’investir ou d’innover”, conclut-il.